Il y a maintenant deux ans, les éditions La Croisée faisaient le choix de publier un ouvrage d’un certain William Melvin Kelley, considéré comme le géant oublié de la littérature américaine. Et il faut bien avouer qu’Un autre tambour était une superbe lecture, une bonne pioche pourrait-on dire pour cette maison d’édition.
Je découvrais cet auteur, totalement fascinant, un auteur américain, auteur au final de quatre romans et d’un recueil de nouvelles. L’année d’après, les éditions La Croisée publiaient Jazz à l’âme, encore un très grand roman, toujours sur le racisme et la condition des noirs aux Etats-Unis.
Alors évidemment, ce travail de publication de l’oeuvre de cet américain mort à 80 ans dans l’indifférence générale dans un petit appartement d’Harlem se poursuit en cette rentrée littéraire avec la sortie simultanée du recueil de nouvelles, intitulé Danseurs sur le rivage et d’un roman qui porte le nom de Dem.
Danseurs sur le rivage est donc l’unique recueil de nouvelles de William Melvin Kelley qui nous montre ici ces talents d’écriture pour ce type d’exercice qui diffère du roman. Il propose à l’aide de ces formats courts le subtil portrait de familles noires américaines dans les années 60.
C’est donc douze nouvelles qu’il nous propose, douze histoires d’hommes et de femmes, qui mêlent tendresse et fureur avec subtilité pour mieux nous dépeindre la société américaine des années 60 autour de personnages qui doivent faire face à toutes les formes de racisme. Porté comme dans les romans précédents par l’écriture magnifique de l’auteur, ce recueil de nouvelles se révèle être une lecture magnifique qui nous montre le regard d’un écrivain sur les problèmes raciaux de l’époque, quelqu’un qui prend le temps de nous interroger sur le racisme dans l’espoir que l’on arrive à trouver des solutions.
Dem, qui se traduit par "eux" est un autre roman de l’auteur qui n’était pas encore publié aux éditions La Croisée. Le "eux" que représente Dem correspond aux blancs d’Amérique. Ces blancs d’Amérique, ces classes moyennes blanches post-ségrégation qui se démarquent par leur racisme ordinaire et leur hypocrisie, que l’ouvrage nous dépeint avec une grande justesse. William Melvin Kelley prend soin de le faire autour d’une rage contenue qui donne plus de force à son message pour mieux nous montrer les rapports sociaux de son pays, tristement divisé en "frères ennemis".
Pour se faire, il s’appuie sur l’histoire de Mitchell Pierce, un "mad men" blanc typique des années 1960 qui possède un bel appartement. Il est marié à la charmante Tam et est le père de gentil petit Jake. Ensemble, il forme une famille parfaite en tout point. Sauf que les apparences sont trompeuses car le couple bat de l’aile et chacun vit ses aventures en secret. Pierce va voir ailleurs et son épouse pour se venger va prendre un amant noir.
Quand Tam accouche de jumeaux, l’un blanc et l’autre à la peau noire, Pierce et ses proches sont mis face à une réalité qui s’avère être bien difficile à cacher. Et évidemment, inutile de vous le préciser, ces jumeaux vont symboliser ces "frères ennemis".
Même si l’ouvrage me semble un ton en dessous des premiers romans édités par les éditions La Croisée, la lecture de Dem s’avère plutôt plaisante. Il est un ouvrage où l’ironie est bien présente faisant de cette satire un ouvrage dénonçant avec intelligence les rapports raciaux aux Etats-Unis.
Avec la parution de ces deux ouvrages, il ne manque plus qu’un seul ouvrage à publier pour que les lecteurs français puissent avoir accès à l’intégralité de l’œuvre de cet auteur américain qui est aujourd’hui devenu une référence pour de nombreux écrivains. Si vous ne connaisse toujours pas William Melvin Kelley, il est grand temps de vous plonger dans ses romans, en commençant par Un autre tambour qui est pour moi son meilleur ouvrage. |