Romancière, biographe, nouvelliste et auteure jeunesse, Muriel Meunier manie les mots de métier. Passionnée d’histoire, elle choisit le destin des bagnardes pour son nouveau roman : Julie, matricule 247.
Le décor est planté dès le premier chapitre, Julie a 30 ans, et le corps brisé par les cahots de la voiture qui la transporte vers son lieu de détention. Nous sommes en 1894 et Julie est rejetée par son mari, de fait reniée par sa famille, son avenir est tracé par les lois patriarcales du siècle : le bagne. Et ses horreurs : malnutrition, violences, négligence, le monde ferme les yeux sur ces hommes et femmes dont on préfère taire les torts.
Le roman est construit sur plusieurs époques clés de la vie de Julie, née pauvre dans une famille ouvrière de Normandie. De ses débuts à l’usine pour aider sa mère à joindre les deux bouts, elle se marie à Paris où son mari la pousse à vendre ses charmes pour subvenir aux besoins du ménage. Mal lui en a pris, le lâche en question se déleste de ses responsabilités et dénonce sa femme, officiellement pour entrave aux mœurs, officieusement pour laisser la place à une autre femme docile dans son foyer.
La prison attend Julie, puis le bagne, exil forcé dans les marécages guyanais où les choix possibles sont la mort ou la maladie (puis la mort). L’hostilité, la maladie, l’asservissement, Julie garde courage et compassion face à cette exclusion définitive.
Tiré d’une histoire vraie, le roman est un témoignage des conditions de vie dans les bagnes de Guyane. A travers le destin de ce personnage, Muriel Meunier porte sur le devant de la scène la voix des femmes du dix-neuvième siècle, entre soumission et esclavage, elles n’étaient qu’une poignée à avoir une réelle emprise sur leur destin. Loin de s’en plaindre, à l’image de Julie, elles s’en accommodaient et trouvaient le courage de garder la tête haute en toute circonstance, avec un soupçon d’espièglerie et du répondant à toute épreuve.
Le roman est agrémenté de clichés représentants divers lieux où le roman se déroule ainsi que des documents d’archives utilisés par l’auteure pour documenter son roman.
Hommage aux femmes de toutes époques, Julie, matricule 247 est également un témoignage rare de la place des femmes dans un monde dominé par le patriarcat et la coupe phallocratique. Il est agréable de constater que du chemin a été parcouru depuis le dix-neuvième siècle en Europe, et terrifiant de se rendre compte qu’il n’en est pas de même sur la totalité de la planète.
"Et si survivre, c'était de ne pas tuer la révolte qui coule dans ses veines ? Être en colère, crier, se faire punir, c'est être vivante". |