Willard Grant Conspiracy, c'est un peu comme la vie. Riche en émotion, des hommes des femmes passionnés, de la nostalgie et du bonheur. C'est un homme en particulier, Robert Fisher, colonne vertébrale d'un groupe en perpétuelle évolution.
Un sixième album à paraître en mars, et un vrai moment de partage autour d'une cigarette. Pour parler de concepts, de musique et de l'Amérique, sur fond de musique Rock & Roll, avec justement, Let it roll, dernière création du Willard Grant Conspiracy. Pas trop fatigué par votre journée promo ?
Robert Fisher : Parler des mêmes sujets d'une manière différente. Encore une interview, vous avez de la chance c'est la dernière de la journée. Certaines sont meilleures que d'autres. Quelques fois l'interview se déroule comme une conversation, c'est en fait plus agréable, plutôt que les journalistes qui cherchent absolument à garder leur fil conducteur, ne pas dévier de leur fil conducteur. Une interview consiste toujours à rendre les propos intéressants, même si souvent ce n'est pas le cas ! (Rires) C'est toujours un processus difficile.
Et la suite pour vous en terme de promo, c'est quoi ?
Robert Fisher : La maison ! Dans le désert non loin de Los Angeles, dans le désert de Mojave.
Comme Captain Beefheart ?!
Robert Fisher : Oui exactement ! C'est marrant que vous me parliez de ça, il vit dans la ville jusqu'à coté. Vous êtes bon hein ?! J'adore Captain Beefheart, il est malade aujourd'hui. Mais le désert où je vis n'est pas isolé, nous avons une autoroute, des millions de gens vivent là bas.
C'est un endroit qui incite à la création ?
Robert Fisher : Disons que je suis né là bas, mais j'ai vécu pendant 33 ans. Je ne suis de retour que depuis deux ans. Je ne pense pas que le songwriting ait à voir avec le lieu. Et vous vous faites une fausse idée du désert américain, personne à des milliers de kilomètres, les cactus…C'est un mix entre American Graffiti et les centres commerciaux américains. Avec des températures pouvant atteindre 49° en été.
Mais c'est encore pittoresque. La boutique du barbier du village de mon enfance est encore en activité. La Californie n'est pas encore urbanisée par tout. Je pourrais surement faire ma musique dans n'importe quel endroit, mais le fait est que je suis américain. Et le groupe est cosmopolite ! Notre bassiste est allemand, le violoniste est anglais, le pianiste japonais, le guitariste new-yorkais…Les influences viennent de partout. Willard Grant Conspiracy comporte combien de musiciens exactement ?
Robert Fisher : Aujourd'hui 37 (Ndlr :?!!). Même si le groupe comporte 37 musiciens, nous tournons généralement à 5 ou 6, quelque fois jusqu'à 14 sur scène. Un peu comme Lambshop, un groupe que j'adore mais qui est sans doute plus structuré que le notre. Notre musique est plus organique. Notre musique repose sur le concept que les musiciens nous rejoignent lorsqu'ils en ont le temps. Certains sont mariés, d'autres ont des enfants. C'est typique au rock de dire "We're the Band !" avec le concept guitare/basse/batterie. Le blues, le jazz marchent comme des collectifs à géométrie variable. Willard marche comme une démocratie, et je me charge de catalyser les énergies. Ce qui est remarquable, c'est que j'apporte des squelettes de chansons, et ces musiciens écoutent d'abord ces chansons, avant de penser à leurs instruments. Comme si j'étais le directeur d'un film, où je laisserais les acteurs jouer leurs partitions de manière naturelle. Oui j'ai le final cut, mais c'est un collectif, un democratic band. Quelque fois je me permets de demander aux musiciens de transcrire mes idées sur leurs instruments.
L'écoute de ce nouvel album, Let it Roll, me fait penser à l'énergie qui se dégage de Nick Cave and the Bad Seeds.. Cette idée de collectif, ce meneur d'orchestre…
Robert Fisher : J'aimerais être aussi connu que Nick…Je suis d'accord avec la comparaison, même si l'alchimie qu'ils possèdent est admirable. Nous essayons de jouer du mieux possible pour notre part. Je joue avec le batteur depuis 17 ans, forcément une complicité s'installe. Mais nous sommes différent malgré tout, nos influences viennent de tellement de groupes et musiques…
Ce sixième album révèle de grandes plages mélancoliques, tristes dans le bon sens du terme, comment définir cette musique ?
Robert Fisher : Je pense que c'est du rock, simplement. Beaucoup de groupes aujourd'hui cherchent à piocher ça et là des influences, des gimmicks qu'ils injectent dans leur musique pour coller à l'air du temps. Je pense aux Arctic Monkeys, Franz Ferdinand, des groupes que j'aime beaucoup. Mais si vous reprenez notre premier album, je pense qu'il n'a pas beaucoup vieilli par rapport à il y dix ans. Il vous toucherait de la même manière. Les revivals new wave, toutes ces conneries je n'y crois pas. Un bon groupe ne fait pas ca, ne se fie pas aux tendances.
Lorsque les gens pensent à la country, ils ne pensent pas à Johnny Cash, Townes Van Zandt ou Steve Earle, ils pensent à Garth Brooks….C'est un peu navrant. Ecrire des chansons qui restent, c'est notre objectif. Le rock tente souvent de faire croire que d'un coté il y a un groupe et de l'autre le public, en attente de quelque chose. Je ne crois pas à ce rapport de force. Et pour revenir à la mélancolie, si vous avez la chance d'écouter un bon chanteur de blues, vous ne serez pas déprimé, simplement ému par les sentiments. Dans un sens nous voulons tous la même chose, des enfants, une maison, une situation stable et une situation rassurante et paisible. Mes chansons tentent d'explorer des concepts universels, sans clichés.
Parlons pour finir des paroles de cet album…
Robert Fisher : C'est une collection de chansons, pas forcément unies les unes avec les autres. C'est un album classic rock. Si vous prenez From a distant shore, la première chanson de Let it roll, c'est en fait une composition inspirée du Wall Street Journal, ce qui peut paraître impensable mais bon.. C'est une chanson engagée comme Dylan pouvait en faire. C'est une chanson basée sur une lettre d'un soldat pendant la guerre civile. Il sait qu'il va mourir, qu'il se bat pour la démocratie.
La guerre parle des gens à terre, mort pour leurs idées, leurs sentiments, et c'est également le thème de nombreuses actualités politiques du moment. Je n'aime pas parler politique, j'ai autant de crédit que votre voisin ou vos amis (Rires), mais vous vous douterez sûrement de mes opinions en écoutant ma musique…
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