Le phoenix rock and roll et autres légendes rouennaises.
Il y a des jours que l'on oublie pas, surtout pas ce jour d'octobre 2002, ce genre de journée qui a marqué un tournant dans ma vie.
Ce jour, se fut peu de temps après la mort de Dominique Laboubée. Mon meilleur ami m'apprenait que son voisin Rock Star avait péri d'une tumeur lui ayant compressé le coeur, le tout en pleine tournée américaine.
Moi à l'époque, je venais à peine de découvrir le premier album de Velvet Underground. Le rock était entré dans ma vie avec grand fracas, laissant des séquelles sur mon visage: barbe naissante et la terrible forme des cheveux en train de pousser. "Et il faisait quoi ton voisin?", "Il chantait, le groupe les Dogs." Il me passa un écouteur... et se fut un choc. "The most forgoten french boy".
Classieux à souhait, le rock qui se joue la tête haute, dans la parfaite verve que j'apprendrai être plus tard celle des Kinks, Small Face et Who. Classieux mais français avant tout, Rouennais qui plus est. J'ai très vite acheté le magnifique live Short, Fast and Tight. A partir de là, ce groupe ne m'a plus jamais quitté.
Pire, il est devenu déterminant: des endroits ou je traînais, mes choix de guitare jusqu'à mon pseudo! L.J.Jet, Little Johnny Jet, la bonne vieille chanson des Dogs, le héros créé par Dominique. Voila mon Big Bang à moi.
Alors aujourd'hui les Dogs ne sont plus, ils ont laissé trois musicien sur le banc de touche. J'ai eu la chance de les voir jouer une dernière fois ensemble lors du concert hommage à Dominique, ce merveilleux concert avec le chanteur des Flaming Groovies, Little Bob, Wampas, Tony Truant, et surtout les derniers Dogs: Laurent Ciron, Christiant Rosset et Bruno Lefaivre. Aujourd'hui Ciron et Rosset jouent ensemble dans un nouveau groupe: The Cinders.
C'est donc la fusion monstrueuse qui s'opère entre les Dogs et The Ballbuster. Fusion forcée par le destin, deux corps mutilés, attachés l'un a l'autre pour former une entité.
Alors l'entité, quand je l'ai foutu sur la platine, elle a failli me faire chialer. Pourquoi? Parce que l'hommage direct à Dominique, parce que je pense aux Dogs et à tout ce qui a été perdu. Ecouter cet album alors que je rentrais au pays, ça tenait forcément du masochisme.
Tout défile dans ma tête: les petites rues pavées de Rouen, celles qui sont brillantes de pluie et décorées de vieilles échoppes d'antiquaires; le quartier Saint Maclou; les pintes noires de Guinness ; et mes premiers concerts. Tiens, comme celui de la dernière fête de la musique, celui où Christiant Rosset s'est planté devant nous durant notre reprise de "Kick Out the Jams".
Il avait un grand sourire aux lèvres et me montrait comment taper du talon comme un vrai dandy électrique, avec la jambe en angle droit, la cuisse bien tendue et le pied parallèle au sol. Son sourire était celui d'un homme heureux, reconnaissant envers les gamins de 17 ans que nous étions, continuant ce à quoi il avait dédié sa vie : le rock and roll.
Alors les Cinders c'est tout cela, beaucoup de souvenirs passés, ceux des disques aimés et des premières sensations rock. Le rock est une musique mystique, avec ses rites de passage et ses mises à l'épreuve. Et l'épreuve ils l'ont passé comme de vrais pionniers, le coup tendu, guitare en bandoulière. Ils ont de belle voix, un petit accent français. Ils parlent de filles, d'amour et de rock.
Ils ne sont jamais dans l'énergie primaire, ils font tout avec une sorte de spleen. Les Cinders se payent le luxe de faire de la musique de gamins en étant de vrais adultes. Est ce un bien ou un mal? Toujours ses foutus problèmes d'éthique. Perso je m'en fous pas mal. Certains trouveront ça trop mou, pas assez diversifié... Pourtant, pourtant... les cendres creusent le dur de l'os, le nerf sixtee's de "toute la musique que j'aime" comme dirait l'autre.
Alors achetez cet album, et des albums des Dogs, et de King Size. Vous verrez ainsi que l'on fait du vrai rock en France et ceci depuis plus de 35 ans.
Et puis cet album est dédié à Dominique Laboubée, comme mon papier d'ailleurs, car il m'a aidé à me construire et à trouvé mon identité. Il n'y a pas d'amour parfait, et c'est tant mieux...
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