Tragi-comédie d'Eugène Ionesco, mise en scène de Stéphanie Tesson, avec Catherine Salviat et Jean-Paul Farré.
Qualifié par son auteur Eugène Ionesco de farce tragique avec des protagonistes qu'il présente comme des "ratés sociaux et dérisoires", son opus "Les Chaises" s'avère un terrifiant opus sur le vide ontologique confinant au vertige métaphysique.
En effet, un couple de nonagénaires en fin de partie et atteints de l'obsession de la trace, se répandent de manière logorrhéique, en moults ressassements et délires mnésiques en attendant non pas Godot mais l'orateur qui doit délivrer à un aéropage international de sommités et notables leur message non seulement mémoriel mais, de surcroît, salvateur pour l'Humanité.
Nonobstant ses substantielles didascalies, la pièce se prête à un large spectre pour sa mise en scène et Stéphanie Tesson a opté pour le registre méta-théâtral, "le jeu dans le jeu", indique-t-elle pour privilégier le ludique au conceptuel avec des personnages qui, tels des enfants, "jouent à recevoir des gens qui n’existent pas".
Elle a choisi le genre de la commedia dell'arte en usant de l'architecture de la petite salle de plain-pied avec quelques gradins en dur du Théâtre de Poche-Montparnasse comme scénographie du théâtre de tréteaux.
Le répertoire ionescien offre de belles partitions pour les comédiens et les aguerris Jean-Paul Farré et Catherine Salviat, grimage de mime avec visage blancs et pastilles roses sur les joues et costumés par Corinne Rossi façon pourpoint de saltimbanque pour lui et tenue folklorique slave pour elle, ne boudent pas leur plaisir dans la démonstrativité comique adéquate.
Jean-Paul Farré campe de façon clownesque "mon chou" naviguant entre régression infantile, infatuation désespérée et pathétique existentiel face à Catherine Salviat qui donne une dimension hallucinée au rôle de "Sémiramis ma crotte" oscillant entre épouse fouettarde et adorante mère de susbtitution.
Et Stéphanie Tesson les mène sur un rythme de crescendo jusqu'au maelstromique acmé de l'incontournable ballet des chaises vides. |