Eros et Pathos sont sur un bateau, Eros tombe à l'eau…Reste une visite dépouillée des tréfonds de l'âme errante.

Ce qui pourrait être le gimmick du packaging de Slowabuse, le quatrième album de Turner. Allemand d'origine, inconnu sur nos terres, et pour cause, ses chansons sont bonnes et froides comme de la neige sur la langue.

Rigueur teutonne oblige, Turner n'a guère choisi d'improvisations pour ses dix comptines glaciales, où le pathos l'emporte sur la joie. "You love sorrow, and I can't do anything", miaule-t-il sur "You love sorrow", fond de claviers bidouillés dont seuls les allemands ont le secret. La guitare grattée sur des bouts de verre, et le clavier raclé sur le caniveau, Turner impressionne par la simplicité des compositions l'ambiance malsaine qui se dégage de cette voix slowdésabusée. Un regard sur le monde, enfin un, reflétant le ciel gris et les longs matins d'hiver.

Glad to be sad. Dans la mouvance de complaintes acoustiques, les pleurs de Turner font mouche car l'émotion l'emporte. La beauté des arpèges intemporels de "She was sent" pourrait bien évoquer Cure ou Notwist, on pourrait encore penser que Turner s'affirme comme un artiste à part. Une musique équivoque sans comparaison, piochant dans les 80' le mal-être et la souffrance clinique, tachée de blanc immaculé. Un blanc froid teinté d'électro ("When will he leave") où l'infirmière aurait oublié le bistouri dans le corps refroidi.

Les fantômes sous éther parcourent l'album à la recherche de lumière ; un zest de Jay Jay Johanson vient éclairer l'album sur "Hiding you". Piano pesant et léger, arrangements rongés jusqu'à la moelle, Slowabuse reste un condensé de cold-wave écoutables les jours de pluies fortes, comme le Hurt de Nine Inch Nails quelques années auparavant.