Comédie dramatique de Françoise Cadol, mise en scène de Christophe Luthringer, avec Françoise Cadol, Pierre Santini et Steve Bedrossian
Tout le temps que dure le jour, c'est ce jour où se consomme la rupture entre Rodin et son secrétaire, Rainer Maria Rilke qui est entré à son service quelques mois plus tôt, sous les yeux de Marie Cabannes, une jeune femme qui vient de commander son buste.
Le maître et le disciple. Deux hommes de génération et de culture différentes, aux tempéraments opposés. Rodin, le terrien, au sommet de son art, à l'automne de son âge, qui pétrit la pâte humaine comme la glaise, transmute le corps en œuvre d'art et Rilke, le jeune poète souffrant, angoissé, en plein questionnement sur la création artistique. Pendant leur cohabitation, Rodin a joué le rôle de "passeur" pour Rilke comme ce dernier avec Franz Xaver Kappus ("Lettres à un jeune poète").
Le texte de Françoise Cadol est emprunt d'humanité et d'amour pour ses deux artistes qui étaient aussi, et peut être avant tout, des hommes passionnés et nous invite à les suivre au cours de ces quelques heures qui laissent entrevoir ce que fut leur attachement profond et réciproque. Elle propose davantage des pistes de réflexion qu'un récit historique. Et elle interprète avec une très grande sensibilité le rôle énigmatique de Marie Cabannes dans laquelle on pourrait voir le symbole de la muse antique. Serge Bedrossian incarne bien à la fois la fragilité, le doute, la souffrance de Rilke en proie à des démons intérieurs ainsi que sa farouche détermination à les dompter pour les rendre source de création.
Face à lui, Pierre Santini est un superbe Rodin. Un Rodin puissant mais aussi terriblement humain, démiurge créateur mais colosse aux pieds d'argile hanté par les froids hivers comme par sa Porte de l'Enfer inachevée. Pierre Santini excelle dans ce rôle aux multiples facettes qui lui permet d'interpréter toute une palette de sentiments.
Un beau moment de théâtre. |