Réalisé par José Luis Lopez-Linares. Espagne. Documentaire. 1h30 (Sortie 21 septembre 2022). Avec Jean-Claude Carrière
Mort en février 2021, à l'aube de ses 90 ans, Jean-Claude Carrière aura réussi à se construire une figure particulière dans le paysage culturel français.
Scénariste, écrivain, intellectuel, bon vivant, ce disciple de Bunuel, amateur de grands vins, aura été un incontestable érudit, un professeur touche-à-tout, aimant faire découvrir à ceux qui le suivaient les merveilles (et les horreurs) d'un monde en perpétuel changement depuis sa naissance avant-guerre dans son petit village occitan de Colombières-sur-Orb.
A quelques mois de sa mort, on va, dans "L'ombre de Goya" de José-Luis Lopes Linares, le suivre dans un ultime voyage en Espagne avec pour prétexte de se mettre à la recherche des traces du dernier grand peintre classique espagnol avant Picasso, Francisco Goya.
Dans ce documentaire testamentaire très soigné, les commentaires savants et humanistes de Jean-Claude Carrière bénéficient d'une belle lumière. Tout, de l'Espagne traversée aux tableaux finement photographiés, fournira prétexte au grand homme pour des anecdotes et des pensées aussi signifiantes que fulgurantes.
Attention, "L'Ombre de Goya" n'est pas une œuvre mortifère. Au contraire, le réalisateur invite son spectateur à prendre la route en compagnie d'un guide, grand conteur et grand bavard, pour une promenade ensoleillée. On n'y suit par un vieil homme au bout de sa vie, faisant une dernière fois le point sur des dizaines d'années d'expérience.
Non, Carrière est pareil à lui-même. Certains le trouveront peut-être plus arrogant que jamais, distillant toute sa connaissance avec toujours le même aplomb. D'autres sentiront qu'il veut avant tout transmettre son immense savoir, laisser une belle trace d'une vie qu'on peut légitimement trouver épanouie et réussie.
Parsemée de témoignages de proches, comme son épouse Nahal Tajajod, qui en parle avec une sérénité convaincante, ou ses amis avec lesquels il a collaboré, comme Carlos Saura ou Julian Schnabel, le film n'a rien d'hagiographique. Au contraire.
"L'Ombre de Goya" de José-Luis Lopez Linares tient à égal distance ses deux sujets. On en saura donc beaucoup sur le peintre et beaucoup sur son commentateur. Avec, on le répète, un filmage apaisant, sachant accompagner le vieux voyageur à la fois dans son réel et dan son imaginaire. Car Jean-Claude Carrière, ami d'un ancien surréaliste, aimait autant contempler un ciel bleu que d'imaginer un monde peuplé d'êtres fantastiques.
On ne s'ennuyait pas en sa compagnie. On avait l'impression d'être plus intelligent qu'avant qu'il ait commencé ses explications. D'une voix légèrement chantante, avec des restes d'accent occitan, il embarquait ceux qui le voulaient dans un beau voyage envoûtant au pays de la parole.
La conclusion est vraiment simple : "L'Ombre de Goya" de José-Luis Lopez Linares est un moment de partage qui ne se refuse pas. |