Comédie dramatique d'après la pièce éponyme de Molière, mise en scène de Violette Erhart et Sylvain Martin, avec Bunny Chriqui, Violette Erhart, Luc Franquine, Florian Guérin, Mahmoud Ktari et Sylvain Martin.
Dans le cadre d'une trilogie intitulée "Du Misanthrope au Cardinal" initiée par Mahmoud Ktari, le directeur du Théâtre La Croisée des Chemins, dans une optique de focus sur l'intemporalité thématique et la résonance contemporaine sont associés "Le Misanthrope" de Molière et deux opus d'auteurs du 20ème siècle qui ont imaginé sa suite.
Et précisément "La conversion d'Alceste" de Georges Courteline, qui projette le protagoniste-titre ayant décidé de quitter le monde non pour une vie d'ermite mais en (re)conversion dans le vertueux corps ecclésiastique, et "Célimène et le Cardinal" de Jacques Rampal qui, reprenant cet argument, imagine un "vingt ans après" sur le mode "que reste-t-il de nos amours".
La partition originale scelle un triple drame : la déroute de l'atrabilaire Alceste qui voudrait que la civilité et les codes de sociabilité ne soient pas entachés d'hypocrisie mais régis par l'honnêteté et la sincérité et, de manière spécieuse, que soient reconnus ses mérites singuliers, la déconfiture de la coquette et médisante Célimène qui ne résiste pas aux plaisirs du badinage et du persiflage et, malgré un amour partagé, leur rupture liée au refus de celle-ci de le suivre dans son exil social.
Elle est proposée, sans altération majeure, dans une version resserrée centrée sur le couple d'amants dans une mise en scène de Violette Erhart et Sylvain Martin avec une recontextualisation dans la modernité contemporaine d'une soirée-clubbing entre amis et dispensée sur un mode conversationnel qui néanmoins préserve tant la beauté de la langue classique du 17ème siècle que la structure en alexandrins avec une interprétation mérite qui ne verse pas dans la déclamation syncopée.
Un efficace sextet en synergie la dispense avec un jeu placé sous le signe d'un réalisme convaincant avec, dans le rôle des marquis et dosant les effets comiques attachés à ces personnages, Mahmoud Ktari en vaniteux amoureux de la belle, Florian Guérin en fat rimailleur, Bunny Chriqui, parfaite en perfide rivale et Sylvain Martin campe avec finesse l'ami prônant modération et tempérance et témoin impuissant.
Dans le rôle d'Alceste, Luc Franquine, comédien puissant, incarne non le narcissisme mélancolique de l'incompris mais la fureur tragique de l'humeur pulsionnelle et, Violette Erhart, pour celui de Célimène, ce roseau qui ploie mais ne rompt pas dans l'affirmation de ses choix, apporte une éclatante présence sensuelle et une saisissante densité émotionnelle.
Donc un spectacle de belle facture.
|