Comédie dramatique écrite et mise en scène par Didier Caron, avec Pierre Azéma et Bruno Paviot.
Avec l'opus "Zola l'infréquentable", et comme indiqué dans sa note d'intention, Didier Caron a voulu apporter un éclairage tempéré et contradictoire sur la personnalité d'Emile Zola et "esquisser un portrait plus ambivalent" et ce, notamment sous l'angle de son implication dans la polémique suscitée par l'affaire Dreyfus.
Car, si l'écrivain a connu succès et notoriété de son vivant avec son cycle romanesque des Rougon-Macquart, il a néanmoins subi la virulence de la critique institutionnalisée dans le cadre de la bataille naturaliste.
Et l'opprobre pour ses positions de journaliste engagé et militant avec pour acmé son fameux article titré "J'accuse !" publié dans le journal L'Aurore qui, au-delà de l'opprobre qu'il a suscité, a entraîné sa condamnation pénale.
Didier Caron a opté pour le genre du huis clos entre deux personnages dont les positions idéologiques divergentes s'avèrent propices à la confrontation dramatique. En l'occurrence, il se déroule au long cours sur une période de plusieurs années de 1895, date de la dégradation du capitaine Dreyfus accusé de collusion avec l'Empire allemand, à la mort accidentelle par asphyxie d'Emile Zola intervenue en 1902.
Pour interlocuteur de Zola dans cette controverse fictionnalisée, mais néanmoins historiquement avérée, Didier Caron a choisi la figure de Léon Daudet, le fils de l'écrivain Alphonse Daudet qui entretenait des relations amicales avec Zola, journaliste polémiste nationaliste et antisémite, et en l'espèce antidreyfusard, qui s'affiliera au mouvement l'Action française et redoutable bretteur pamphlétaire du Tout Paris de la Belle Epoque.
Il a conçu une partition à l'écriture peaufinée et aux dialogues percutants, qui outre quelques scènes biographiques et apartés en adresse au public, comporte des séquences aussi éloquentes que vigoureuses, avec parfois, nonobstant le sérieux et la gravité du sujet, une touche de cocasserie dédiées au débat d'idées instillé d'opinions et d'invectives personnelles dans laquelle les protagonistes, ne ménageant pas l'adversaire, manifestent un verbe haut et leste sans marquises verbales ni amabilités policées.
La sagace mise en scène sobre de Didier Caron repose sur le métier et le talent émérites des interprètes justement distribués. Pierre Azéma incarne parfaitement le bouillonnance latine de Zola défendant avec force emportements les principes humanistes face à Bruno Paviot magistral dans le rôle de Léon Daudet qui n'intervient pas comme simple faire-valoir car, de fait, la pièce dresse deux profils en miroir.
Ainsi Bruno Paviot porte haut le discours de son personnage inscrit dans l'extrême-droite de l'échiquier politique avec des propos en résonance contemporaine, un cynique doté d'une redoutable habileté rhétorique pour soutenir un argumentaire arc-bouté sur une allégation d'opportunisme de Zola pour relancer une carrière littéraire malmenée et sa stature maintes fois non adoubée par l'Académie française.
Donc à découvrir.
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