En 2022, dans le cadre d'une ouverture à l'art contemporain initiée en 2015 pour une mise en regard avec ses collections permanentes qui couvrent l'Histoire de l'Art jusqu'au 19ème siècle inclus, le Petit Palais a invité l'artiste plasticien suisse Ugo Rondinone*.
Et la présentation de ses oeuvres assurée sous le commissariat de Juliette Singer, conservatrice en chef au Petit Palais, et Erik Verhagen, professeur en histoire de l’art contemporain à l'Université polytechnique Hauts-de-France intervient dans les espaces en accès libre.
L'affiche, un gros plan de flammes, qui se réfère à une installation vidéo inédite titrée "burn to shine" réalisé par l'artiste avec le chorégraphe Fouad Boussouf autour d'une danse tribalo-urbaine et de la symbolique du soleil et du feu comme médium de transformation de soi n'est pas représentative de l'exposition.
En effet, celle-ci est principalement constituée de sculptures qui ressortent aux tropismes de l'artiste afférents à sa réflexion sur le rapport entre le moi intérieur et le monde "naturel", une idiosyncrasie entre l'art classique et l'art conceptuel, en la forme avec le simulacre de la représentation figurative et au travail sériel.
L'esthétique du paradoxe d'Ugo Rondinone
Ainsi, en extérieur, la monstration est annoncée devant l'entrée du musée avec "Yellow red nun", "Blue yellow nun" et "Orange green nun", trois des monumentales bronzes polychromes conçus à partir de la modélisation numérique de blocs de pierre, représentant une forme humaine totémique archaïque avec tête sans visage et corps "empaquetés" dans une gangue d'apparence minérale.
Ils appartiennent à la conséquente série de 2019 "nuns + monks" qui s'inscrit dans le sillage formel et conceptuel des installations "Human Nature" de 2013 et "Seven Magic Mountains" de 2016 selon les indications de l'artiste : "In nature, you enter a space where the sacred and the profane, the mystical and the secular vibrate against one another'.
In situ dans le Petit Palais, sont installées des sculptures à l'allure de corps humain en taille réelle. A son entrée, le visiteur est accueilli par le ballet des sept "human-clouds" de la série "humansky" qui vient d'être présentée à la 59ème Biennale d'Art contemporain de Venise, en l'occurrence accrochés en suspension au dôme du hall d'accueil.
Des corps recouvert de polyuréthane peint en ciel bleu et nuages signifiant la symbiose chimérique de l'homme et des éléments et ce dans les attitudes singulières résultant du moulage en mode "still life" de trapézistes exécutant des figures d'acrobatie aérienne et qui, selon la note d'intention de l'artiste, signifient le passage du temps.
Dans la Galerie des Sculptures, en résonance avec la sculpture figurative académique du 19ème siècle qui constitue une des collections dédiées du musée, sont disséminées à même le sol les pièces de la série "nudes" de 2010 représentant des corps de danseurs et danseuses dans des attitudes de repos.
De couleurs sombres et sourdes du fait du du mélange de cire et de terre appliqué sur une structure métallique, quatre d'entre elles sont ainsi judicieusement disposées sous les tableaux crépusculaires à la monochrome terreuse des ocres et noirs du quadriptyque "Les Ages de la vie" du peintre Eugène Carrière et à proximité de l'imposant cylindre de bois calciné dans lequel est projeté la vidé oprécitée.
Nonobstant leur apparent hyper-réalisme "still life" résultant de la pratique du moulage sur le corps, la vision de près révèle non seulement leur aspect de corps fragmenté mais celui de l'assemblage caractéristique des mannequins de vitrine de quoi nourrir une réflexion sur la transmutation du corps et le transhumanisme.
En préambule à la visite
en voir plus sur le site d'Ugo Rondinone
le diaporama de l'exposition "Ugo Rondinone- Life Time" à la Schirn Kunsthalle de Francfort en 2022 |