Réalisé par Jérémy Guez. France. Thriller. 1h35 (Sortie 7 décembre 2022). Avec Waël Sersoub, Tugba Sunguroglu et Arben Bajraktaraj.
Objectivement, pour le cinéma français,"Kanun, la loi du sang" de Jérémy Guez n'est qu' un "petit" film de genre avec des acteurs inconnus, que d'aucuns trouveront prometteurs à l'image du cinéaste, qui en est ici à sa troisième réalisation.
Pourtant, "Kanun, la loi du sang" est typiquement le film que tous les critiques qui l'auront négligé à sa sortie trouveront remarquable quand ils le reverront dans quelques années.
Ce qui ne trompe pas, c'est que Jérémy Guez n'a pas hésité à prendre à contre-pied tous les poncifs du "thriller" français. D'emblée, il n'a pas cherché à pénétrer dans un milieu bien précis... mais dans deux. Avec un héros albanais et mafieux presque à son corps défendant, et une jeune héroïne turque plutôt artiste.
Autre élément original pour une production française : il a situé l'action du film dans le cœur de Bruxelles, un Bruxelles nocturne aux couleurs vives où les deux gens se rencontrent par hasard, la jeune femme barmaid dans un établissement de nuit attirant l'attention du jeune homme.
Rien ne semble sociologiquement fait pour que la rencontre soit concluante. Et c'est pourtant ce qui va arriver à l'issue d'un film qui s'inscrit plus dans les conventions du film hongkongais type Johnny To ou Tsui Hark , voire du film danois à la Nicolas Refn Winding , comme Pusher, que des polars français nourris à la sauce Olivier Marchal.
L'enjeu du film ne va pas être pour Waël Sersouz de faire croire qu'il est vraiment albanais, ni pour Tugba Sunguroglu de faire croire qu'elle est authentiquement turque, mais de rendre crédible leur histoire d'amour naissante alors qu'ils n'ont pas les mêmes attaches culturelles ni les mêmes préoccupations...
On pourrait même se demander si le voyou albanais à gueule de boxeur a une quelconque chance de séduire une jeune turque finançant ses études aux beaux-arts en tenant sans entrain un bar sans clients.
Et puis, on pense à "A bout de souffle" et l'on comprend que ces deux improbables tourtereaux sont les Belmondo et les Seberg d'aujourd'hui. Comme le premier long-métrage de Godard, "Kanun, la loi du sang" se veut une série B et s'avère, en fait, un film romantique, une histoire qui ne sait pas où elle veut en venir et qui compte sur les événements pour le savoir.
Jérémie Guez donne toutes les explications nécessaires dans le titre de son film : "Kanun" c'est pour les Albanais une sorte de loi du Talion, une loi du sang où quelqu'un de la famille d'une victime la venge en s'attaquant à un membre de la famille de l'assassin.
Lorik a été envoyé en France parce qu'il est celui qui a été choisi pour être l'objet de la vengeance. Mais en rencontrant Sema, la jeune Turque, il n'a plus l'attention d'attendre que son mauvais sort s'accomplisse et va substituer la loi du désir à la loi du sang...
Vrai thriller, vraie histoire d'amour, vraie surprise cinématographique, "Kanun, la loi du sang" de Jérémy Guez se déguste comme un bon petit polar d'antan, un film premier degré où l'on croit à ce qu'on voit, parce que c'était ce qu'on avait envie de voir. |