Seul en scène écrit par Romain Puyuelo et Nicolas Vallée et interprété par Romain Puyuelo dans une mise en scène de Nicolas Vallée.
Il voulait s'en aller à cheval et c'est finalement à vélo qu'il partit. Pour Charlestown, comme on dit en Rimbaldie quand on n'est pas sérieux et qu'on a dix-sept ans. Sauf que lui, il en a bien vingt ou trente de plus. Qu'il n'est plus chevelu, l'écharpe au vent de ses semelles...
Avec "Rimbaud, Cavalcades !", attention Rimbaud revient ! Et pas en soixante-huitard attardé voulant changer la vie ou asseoir la beauté sur ses genoux. Non, en cadre ayant fait son inévitable "burn out" et repassant enfin par la case poésie, par la case liberté. Se souvenant qu'Arthur c'était aussi "no future".
Eh oui ! On était navré que tant de jeunes gens préfèrent faire Sup de Co ou HEC que l'école de la bohème buissonnière. Grâce à Romain Puyuelo et Nicolas Vallée, on est rassuré : après vingt ans de marketing et de Power Point, reviendra le temps de la révolte, de la célébration d''"Une Saison en Enfer" et des "Illuminations".
C'est d'autant plus rassurant que de leurs expériences chez les "Assis", ils peuvent mieux comprendre la force de Rimbaud pour se laver l'esprit de toute cette futilité crasse. Et le texte de "Rimbaud, Cavalcades !" est une petite merveille d'hommage au génie de Charleville et de Mézières réunies.
Du début à la fin, on savoure ce Rimbaud ressuscité, hors des bancs de l'Université, hors du quart d'heure de récitation du CP. Romain Puyuelo aime le poète, ça se sent dans la manière qu'il a de le dire. Jamais il ne fait son Luchini ; lui, il pose sa bicyclette imaginaire et partage les mots et les images sortis de la caboche d'un tout jeune garçon qui zappera la vie littéraire pour l'aventure. En se moquant d'un avenir au bout du compte plus funeste que glorieux.
En plus, Romain Puyuelo et Nicolas Vallée n'oublient pas le contexte. Cette famille pesante avec la "daronphe", comme Arthur surnommait sa mère, anticipant les "daronnes" de l'an 2000, en moins laxiste. Pas question pour elle d'offrir une Play Station de l'époque à son sacripant gavé de versions latines ! La "mère Rimb", elle est là, de toute éternité. Arthur au destin d'unijambiste n'y pourra rien et dort d'ailleurs avec elle dans le caveau familial.
Assis ou pas sur sa chaise, éclairé subtilement par Nicolas Laprun, dans la belle ambiance musicale créée par Carlos Bernado, Romain Puyuelo communique toute sa flamme rimbaldienne. On le savait excellent comédien en l'ayant apprécié dans "Le Petit poilu illustré" et "Le Petit résistant illustré", il franchit ici un cap matérialisé par le final qu'il s'inflige : l'interprétation (sans filet) du "Bateau ivre".
Léo Ferré, sur scène, s'y cassait souvent les dents, Romain Puyuelo, lui, réussit parfaitement à le mener à bon port. On lui prédit une longue course heureuse à pédaler dans les Etoiles, avec Rimbaud pour le guider vers sa Grande Ourse. |