"Rendez-vous place de Verdun
J’te mets la latche, j’te pose un lapin
Un jour tu m’as suppliée
Devant la Boule pour me serrer
Rendez-vous au Shannon
Viens pas trop tard, j’ai pas d’téléphone
Tu fais l’amour sur le plancher
C’est drôle j’suis pas sûre d’apprécier
J’capte quasi rien
J’passe à la casserole des chauds lapins"
Vous allez me dire, quel est l’intérêt de parler d’un disque qui est sorti il y a 4 mois ? Un disque très largement plébiscité en plus ! Et c’est tant mieux parce qu’Agnès, on va l’appeler simplement Agnès, nous la fréquentons musicalement depuis presque quatorze ans maintenant et avouons-le, elle a accompagné nombre de moments de notre vie, jalonné une partie de notre discographie, il y a comme une intimité.
Agnès donc, le mérite amplement. Tout semble, tout a été même dit sur ce disque. L’évocation de son adolescence à Tarbes, les années 1990, la nostalgie. Il n’existe pas de mot équivalent en français pour traduire "saudade", parce qu’il y a plus d'attachement et de tendresse que de cynisme. La vie dans une ville moyenne. Tarbes c’est Charleville, Thionville, Niort, Blois, Beaune ou Bergerac. Et puis l’envie de grandir ailleurs, d’un avenir qui doit forcément s’écrire loin.
Parfois les désillusions où certains "allaient jusqu’au bac, 80% d’une classe d’âge apparemment, et puis se retrouvaient en philo, socio, psycho, éco-gestion. Après un brutal coup de tamis au premier semestre, ils pouvaient espérer de piètres diplômes, qui les promettaient à d’interminables recherches d’emploi, à un concours administratif passé de guerre lasse, à des sorts divers et frustrants, comme prof de ZEP ou chargé de com dans l’administration territoriale.
Ils iraient alors grossir cette acrimonieuse catégorie des citoyens sur-éduqués et sous-employés, qui comprenait tout et ne pouvait rien. Ils seraient déçus, en colère, progressivement émoussés dans leurs ambitions, puis se trouveraient des dérivatifs, comme la constitution d’une cave à vin comme l’écrit si bien Nicolas Mathieu. L’amour, la chambre de jeune fille, la musique aussi. Le basculement de l’absolu au relatif, l’altération du temps, ce qui fait ce que nous sommes, le sens de la narration parfois élégiaque. Adieu l’enfance ? Pas tant que cela. Après le côté hors sol de Vie future, un retour aux racines, la terre. Mais l’intime encore et encore. Toujours fasciné par la qualité de suggestion poétique des textes.
Dans sa musique que l’on qualifiera de pop sophistiquée (intellectuelle aussi mais pas insensible), et peut-être encore plus dans ce disque, il y a une certaine qualité de phrasé, de couleurs, de lumière, quelque chose de presque fruité, onctueux ou ouaté. La présence de François Virot à la batterie, de Mocke Depret, de l’ami de toujours Xavier Thiry (cela ressemble quand même à une sorte de dream team) y est forcément pour beaucoup, mais son travail avec Mondkopf y participe également (dans la densité sonore par exemple). Chacun par son style, son esthétique apporte sa pierre à l’édifice. Oui il faut être attentif à ce qui se révèle derrière chaque note de Mocke Depret, derrière la production de Xavier Thiry. C’est en s’échappant de son écriture, en cherchant ailleurs qu’elle est revenue à elle plus intensivement.
Agnès Gayraud semble toujours attentive à donner du corps et de la patine à sa musique lumineuse qui ainsi glisse et s?insinue en nous.
Tout fout le camp en ce moment. En attendant des jours meilleurs, accrochons nous et noyons notre chagrin dans la culture !Cc'est parti pour le sommaire de la semaine en commençant par le replay de la 63eme Mare Aux Grenouilles.