Comédie dramatique écrite et mise en scène par Anne-Cécile Vandalem, avec Arnaud Botman, Laurent Caron, Philippe Grand’Henry, Épona Guillaume et Zoé Kovacs.

"Kingdom"est le troisième épisode d'une trilogie écrite et mise en scène par Anne-Cécile Vandalem qui comprenait "Tristesses" (Un polar nordique dans un pays loin de son passé social-démocrate) et "Arctique " (contant les malheurs d'un paquebot rattrapé par les glaces).

Lui aussi est situé dans le grand Nord. Cette fois-ci dans la solitude de la taïga russe, là où vivent et survivre quelques dizaines de personnes appartenant à des familles de "vieux croyants", une secte voisine des "Amish" américains. Cette histoire "écolo" a été contée par Clément Cogitore dans son long-métrage documentaire "Braguiro" (2017). Anne-Cécile Vandalem la reprend pour la scène.

D'emblée, on est saisi par la beauté de la scénographie de Ruitevaarders, qui a reconstitué au centre du plateau une baraque en bois, une espèce de chalet dans lequel va s'engouffrer la famille Braguire, qui y développera sa philosophie de l'existence, ses raisons d'être à l'écart d'un monde violent et irrespectueux de la beauté du monde. Toute la partie jardin de la scène est occupée par une "forêt" composée de quelques dizaines de grands arbres.

On va, se dit-on, passer une soirée au grand air, en plein dépaysement auprès de gens utopistes vivant en communauté. Fatale erreur ! De l'art de Clément Cogitore, elle semble ignorer la partie cinéma contemporain, comme on peut la découvrir dans l'énigmatique "Ni le ciel ni la terre"(2015), et ne retenir que son habileté de vidéaste rompu aux expositions muséales.

La plupart des habitants de ce lieu improbable ne vont pas être souvent dehors mais essentiellement à l'intérieur du chalet, filmés par les deux caméramans présents, et visibles en gros plan sur l'écran vidéo placé au dessus du décor.

Mise à part les trois gros chiens qui errent où ils veulent pendant toute la durée du spectacle, rien n'est facile pour les occupants de ce "Royaume" affublé on ne sait trop pourquoi d'un titre en anglais.

On comprend qu'ils veulent préserver coûte que coût et mêmes les armes à la main les animaux sauvages qui entourent les quelques hectares de leur illusoire paradis terrestre. Bien entendu, Anne-Cécile Vandalem connaît les règles du théâtre : elle sait qu'elle ne doit pas laisser la vidéo voler totalement la vedette aux acteurs "vivants".

C'est pour cela qu'on retrouve, de temps en temps, hors la maison toute la famille, adultes, enfants et chiens réunis. Ce sera surtout le cas dans la dernière partie du spectacle, celle où la petite communauté voit son "royaume" entouré par ses ennemis, braconniers et autres défricheurs, qu'elle est prête à affronter dans un ultime combat perdu d'avance.

Fable forcément écologique, "Kingdom" cherche à convaincre son spectateur, même si le triomphe de la vidéo sur les conversations non médiatisées par un filmage qui n'y apporte aucun plus est peut-être contre-productive pour parvenir à ses fins. En tout cas, cette vidéo toute-puissante prive de l'émotion qu'on aurait dû ressentir bien avant la scène finale, apothéose déchirante, qui permet au théâtre de reprendre enfin pendant quelques minutes ses droits légitimes.