Spectacle théâtro-musical conçu Ana Isoux et Bertrand Ravalard et interprété par Ana Isoux accompagnée au piano par Bertrand Ravalard dans une mise en scène de Valérie Français.
Pour que la vie soit Kurt (Weill), il faut impérativement un piano, un bon piano prêt pour jouer expressionniste. Un lieu qui résonne comme un cabaret berlinois. Quelques accessoires comme un tabouret ou des boas, des chapeaux claque et une canne...
Et, bien entendu, des musiciens et chanteurs grands connaisseurs de l'univers de Kurt Weill, capables de chanter en allemand, français et anglais, car sachant que Kurt ce n'est pas que Berthold...
C'est bien le cas d'Ana Isoux et Bertrand Ravalard. Elle, le plus souvent au chant. Lui, le plus souvent au piano. Mais tous les deux pouvant changer de rôle ou les occuper en duo.
Bref, tous deux partis pour un Kurt voyage dans l'œuvre d'un essentiel du 20ème siècle. Un voyage rythmé et joyeux qui emprunte la voie royale, celle de "l'Opéra de Quat'sous" et de Mackie le surineur, et prend des chemins buissonniers, ceux où l'on fréquente "Le Grand Lustucru" et "Johnny Johnson".
Un voyage en première classe où Ana Isoux côtoie du beau monde : Lotte Lenya (Madame Weill), la grande petite créatrice de toutes les chansons et occasionnellement toutes celles qui ont interprété Kurt : Marlène, Ingrid Caven, Ute Lamper, Marianne Oswald...
Et le résultat est loin d'être déshonorant : elle se hisse sans problème au niveau de ses devancières. Elle a la hargne et la diction nécessaires à la scansion particulière de "L'Opéra de Quat'sous. Elle a le parler populaire des bas-fonds et le chant distingué qui lui permet de les quitter. On appréciera particulièrement sa version sensible de "Youkali" de Roger Fernay, qui vaut celle de la grand soprano Barbara Hannigan.
Qu'on connaisse l'univers de Kurt Weil, son parcours de l'Allemagne pré-Hitlérienne aux Etats-Unis de l'après-guerre, ou qu'on l'ignore complètement, on sera fasciné par ce qu'en propose ce duo à l'unisson musique-voix.
Et l'on en sortira convaincu que Kurt Weill n'était pas que le partenaire de Brecht, le compositeur des "tubes" de ses opéras expressionnistes, mais un musicien majeur du siècle passé, mort à 50 ans, et qui aurait pu créer à l'image de Gershwin, une œuvre à plusieurs facettes, à la fois classique, jazzie et riche en comédies musicales.
Un spectacle délicatement mis en scène par Valérie Français à recommander à toutes les oreilles curieuses. |