Interview
(Le Fil, Saint-Etienne) vendredi 31 mars 2023
C’est dans les loges du Fil, la salle de musique actuelle de Saint-Etienne que j’ai eu le plaisir d’échanger avec Benoit Fournier, batteur, Léopold Riou le guitariste et Julien Carton, pianiste de Matmatah.
Une discussion passionnante qui a été rendue possible par leur manager Julien et par Marion d’Ephélide que je remercie tous les deux.
Je pense que tout le monde vous connaît, mais avez-vous envie de rajouter quelque chose à votre présentation ?
Benoit : A rajouter ? Un guitariste ! Léopold Riou nous a rejoint.s Ça fait combien de temps maintenant ?
Léopold : 1 an et demi.
Benoit : Parle de toi…
Léopold : Je suis arrivé pour le concert des Vieilles Charrues en 2022, on en a fait quelques uns. Et pour préciser je suis breton.
C’est une condition pour entrer dans Matmatah ?
Benoit : Non. Léo a la culture rock comme nous et aussi les sonorités bretonnes dans l’oreille. Notamment pour Trenkenn Fisel.
Léopold : C’était la condition de Stan (NDLR : Tristan Nihouarn le chanteur) qui voulait un musicien qui soit capable de jouer ce thème. C’était peut-être pour rigoler…
Benoit : Non, je ne pense pas pas.
Léopold : A la première répétition, c’est quelque chose qu’il a fallu que je montre. J’ai grandi avec un papa qui est dans la musique traditionnelle. J’ai quelques facilités et Stan était ravi ainsi que les gars. Stan qui a composé ce thème n’arrive pas à le jouer et il était content (rires)
D’où vient le nom de Matmatah ?
Benoit : C’est le nom d’une ville.
Julien : C’est un village en Tunisie. Stan y est parti en vacances et a dû en garder de beaux souvenirs. Il se prononce pareil dans toutes les langues, il a juste rajouté un h à la fin. C’est là où ont été tournées les scènes de Star Wars quand il est sur Tatouin.
Benoit : On peut y trouver des maisons troglodytes.
Faisons un peu connaissance : si vous aviez le pouvoir d’un coup de baguette magique de jouer avec un artiste de votre choix, cela serait qui ? Et pourquoi ?
En chœur : C’est dur !
Léopold : Moi il y en a un qui est vivant, c’est Jack White.
Julien : J’ai de l’admiration pour les pianistes, comme les guitaristes en ont pour Robert Johnson dont on parle beaucoup entre nous. Moi qui suis pianiste, en l’occurrence je viens du classique, j’ai de l’admiration, pour les pionniers du piano, pour qui le piano était aussi nouveau que la guitare pour Johnson et je me demande aujourd’hui ce que ces artistes feraient s’ils avaient eu accès aux technologies auxquelles nous avons accès. J’imagine ce que donnerait une collaboration s’ils enregistraient alors que le partage ne passait alors que par la musique.
Benoit : Je vais rester dans mon domaine, mais j’aurai bien aimé voir en vrai Keith Moon ou John Bonan, voilà. Parce que c’est que par les disques et les vidéos que j’ai pu les découvrir.
Et pourquoi pas taper le bœuf avec eux si on a une baguette magique !
Rires.
Léopold : Ah non, je ne pourrais pas taper le bœuf avec Jack White, je serai totalement tétanisé ! (rires)
Comment se passe la composition des titres ?
Benoit : Il n’y a pas vraiment de recette. Chacun fait de la musique chez soi, on enregistre, surtout sur le dernier album. Chacun travaille de son côté, fait de la musique. Ensuite on fait des compos sans voix avec nos propres maquettes. On décide d’approfondir tel ou tel morceau. Pour les textes, c’est différent, Stan écrit quasiment tous les textes, Eric (NDLR : Digaire, bassiste). Ensuite, comment dirais-je…
Julien : C’est la façon dont les idées vont se compléter, se confronter. Ce qui est plus compliqué quand on est tous dans une pièce, on joue tous au même moment et on a plus d’inhibition. Quand on propose quelque chose, on a le temps de faire mûrir et de proposer quelque chose dont on est convaincu. C’est ce qu’il s’est passé sur ce disque là. Les échanges se sont fait avant d’être dans la pièce avec le micro. Et ce qui est aussi original, et décidé depuis le début, c’est que rien n’a été maquetté et que tout ce qui a été enregistré, y compris les batteries, l’ont été avec les bons micros, au bon endroit, les bons fûts, les bonnes cymbales et la bonne caisse claire. En fait, il y a un écueil difficile à éviter quand on fait une maquette qu’on aime bien, quand on en fait une maquette, une fois en studio ça ne sonne jamais pareil. Pour moi, le choix du micro par exemple, fait partie de la composition.
Benoit : C’est vrai que pour cet album on était plus là dedans, ce qui n’était pas forcément le cas pour les précédents. On s’est tous doté du même logiciel, fait de la musique chacun chez soi, on envoyait aux autres qui se greffaient dessus. Il n’y a pas de méthode, une manière de faire. On s’accorde pas mal de liberté.
Parlez-nous un peu de ce nouvel (double) album et de son titre Miscellanées bissextiles ?
Benoit : C’est une idée de Stan. Miscellanées c’est en littérature, c’est un recueil de plusieurs choses qui sont assez différentes. Il se trouve que notre album, musicalement, ressemble un peu à ça. Bissextiles pour le jeu de mot.
Julien : C’est tous les 4 ans.
Benoît : Oui c’est ça, parce qu’avec le confinement ça a bouleversé un peu le planning et on a eu plus de temps pour le faire.
J'aimerai en savoir plus sur ce morceau magistral qu’est "Erlenmeyer"…
Benoit : Sur cet album, on s’est dit qu’on aimerait faire quelque chose de différent. On n’aime pas se répéter de manière générale. On va faire un long titre ! On est parti juste de ça, on savait juste comment cela allait commencer et comment cela allait finir. Stan nous a envoyé une vague boîte à rythmes, avec des tempo, des changements de tempo, une vague grille. Tout le monde a ajouté ce qu’il voulait là dessus et au fil du temps le morceau s’est construit. On l’a travaillé par période et pas d’une seule traite. C’est un des premiers qu’on a commencé à enregistrer et il a ouvert la porte à la diversité que l’on peut trouver sur cet album. Il nous a permis, puisqu’on partait dans tous les sens, on a continué ! C’est le morceau étalon. Et puis c’est sympa de faire quelque chose de nouveau ! Qui ne se fait plus.
Julien : La longueur a été aussi déterminée pour qu’il tienne sur une face de vinyle. Sinon pourquoi pas faire comme Wagner des opéras de 4h30, bon il en est mort (rires). Il fait un peu plus de 19 minutes et il fallait qu’il tienne sur une face.
Benoît : Oui pour éviter de tourner pour écouter la fin. Parce qu’on fait toujours des vinyles et on pense vinyle, on est de cette génération là. On peut dépasser 19 minutes mais c’est le temps idéal pour ne pas perdre en qualité.
Julien : Au-delà de 20 minutes le son commence à être serré à la fin.
Léopold : On peut aller jusqu’à 25 minutes.
Benoit : C’était une volonté de faire un morceau long. C’est un voyage, on passe par plusieurs univers, on s’est pas trop mal débrouillé.
J’ai eu la sensation d’un premier disque très froid, très polaire dans les ambiances et un second plus solaire. C’est moi qui rêve ou c’est voulu ?
Benoit : Chacun y découvre son décor. Pourquoi pas !
Julien : C’est vrai que le début est plutôt glacial.
Comment utilisez-vous les réseaux sociaux ? Et les plateformes de streaming ?
Benoit : Le vinyle n’a pas disparu et a même tendance a revenir. La cassette est morte…
Léopold : Il y a des groupes qui en font encore…
Benoit : C’est une nouvelle manière d’écouter la musique. On n’est plus obligé de sortir de chez soi. D’un autre côté, on n’a pas le visuel, l’objet physique. En même temps, on peut découvrir la totalité de la musique qui se fait dans le monde entier ! J’étais obligé d’aller chez les bouquinistes le samedi matin pour écumer les bacs à disques. On vit avec son temps. Je ne suis pas pour dire : c’était mieux avant. Effectivement on a des habitudes, mais dire c’était mieux avant, ça veut dire quoi ? Que c’était mieux quand on était jeune en fait. On dit jamais la fin de la phrase (rires). Aujourd’hui c’est différent. Et qui sait comment cela sera demain.
Vous écrivez sur la pochette le double album (presque) blanc… Vous faites références aux Beatles je suppose ?
Benoit : C’est une référence mais nous il n’est pas totalement blanc. Il y a des choses d’écrites dessus comme le titre (rires) ils ne s’étaient pas foulés.
Question inspirée de David, notre rédac chef : imaginez que vous deviez partir et vous séparer d’un ami, quel album ou livre lui laisseriez-vous et qui lui rappellera votre amitié à tous les deux ?
Benoît : Je lui donnerais un truc pas trop violent parce que s’il a que ça à écouter en plus (rires). Je dirai Harvest de Neil Young.
Léopold : Je l’ai vécu avec un copain qui est parti sur une île au large de la Tanzanie. Il y est parti pour un an, il y a trois ans ! Et juste avant qu’il ne parte, je lui ai envoyé une vidéo où je joue un titre de Queen of the Stone Age de l’album Era Vulgaris, qu’on écoutait tous les deux au collège comme des fous.
Julien : Faut que je réponde aussi ? Avant d’arriver au rock, j’écoutai un album pour lequel j’ai beaucoup de tendresse, qui va avoir 50 ans là, d’Herbie Hancock qui s’appelle Head Hunters. Il y a un truc hyper organique, touchant et il m’arrive quand je ne l’ai pas écouté depuis longtemps d’être toujours touché et j’aimerai que les gens soient autant touchés que moi !
C’est marrant que l’on parle de ça. C’est ce que je ressens avec le public de Matmatah. Il y a un public fidèle, qui connaît tout et des gens qui viennent en groupe parce que ça leur rappelle des souvenirs. Ils se réunissent 3 ou 4 fois par an et ils viennent à un concert ensemble parce que ça leur évoque quelque chose et c’est extrêmement touchant. Ça me fait la même chose quand je joue Au conditionnel sur scène parce que je l’écoutais quand j’étais jeune.
Quelles sont vos dernières découvertes musicales, littéraires, cinématographiques… (au choix) ?
Julien : Il y a un album que j’ai découvert de Saya Gray qui s'appelle Nineteen Masters. C’est un bijou. C’est 19 morceaux, reliés par la couleur et un peu comme Miscellanées il y a un truc assez éclectique.
Léopold : Moi c’est un producteur qui s’appelle Awirleon que j’ai découvert il y a deux ou trois ans et qui vient de sortir son album : Love you, Drink Water (rires) et c’est juste magique.
Benoit : Moi j’ai envie de parler de Cancre qui fait notre première partie. C’est du rock français.
Cancre a une connexion avec Matmatah !
Benoît : Oui, Eric a réalisé leur disque et on les écoutait avant, ils sont de Morlaix. Ils chantaient en anglais puis ils ont évolué dans leur manière de faire de la musique !
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