Spectacle conçu et mis en scène par Cliff Paillé, avec Romain Arnaud-Kneisky, Elya Birman, Alexandre Cattez, Marie Hurault, Alice Serfati et Sylvain Zarli.
Cliff Paillé qui a déjà butiné du côté des peintres impressionnistes avec "Tant qu'il y aura des coquelicots", propose avec "Un soir chez Renoir" une immersion fictionnelle dans le cercle des peintres impressionnistes à un moment où Berthe, Edgar, Claude et Auguste ne sont pas encore les figures majeures au noms inscrit dans l'Histoire de l'Art.
Celui de l'organisation de leur troisième exposition indépendante pour accéder à la visibilité et à la reconnaissance à défaut de l'adoubement résultant de la participation au Salon officiel, le Salon de peinture et de sculpture qui exposait les artistes agréés par la très éminente Académie des Beaux-Arts.
Ce dans le cadre d'un dîner entre homologues amis chez Renoir qui va être perturbée par l'arrivée d'un invité inattendu en relation avec la dissidence de l'un d'entre eux annoncée par un court préambule qui, de même que son dénouement ouvert concourt à l'efficacité dramaturgique de l'excellente partition de Cliff Paillé.
Une partition qu'il précise ne pas constituer un biopic mais "un zoom sur un moment clef de la vie d’un groupe d’humains" dans laquelle il combine le cas d'espèce, celui non d'une école dogmatique mais d'un collectif voire une constellation de peintres dont le seul point commun certain consiste en la rupture avec l'académisme et une réflexion plus large, au demeurant intemporelle, sur le concept et le rôle de l'art et celui sociétal de l'artiste à travers une succession de controverses à géométrie variable propices aux rebondissements discursifs.
Sur le mode de l'échange d'idées, et parfois de petits règlements de compte entre amis, celles-ci se manifestent en de virulentes confrontations tant de tempéraments, de conflit d'egos voire de rivalités, en raison des différentes de situations personnelles et des divergences de situation, d'opinions et d'aspirations individuelles soutenues par des dialogues percutants évitant le didactisme appuyé comme la pompeuse érudition pour privilégier des scènes animées.
Cliff Paillé place son opus sous le signe de la sobriété efficace tant pour la scénographie, un chevalet, quelques sièges élimés et un empilement du verso de toiles sur châssis suffisent à signifier le modeste atelier d'un artiste désargenté de la fin du 19ème siècle, que pour la mise en scène reposant judicieusement sur un jeu d'acteur réaliste et une distribution appropriée.
Chaque comédien incarne efficacement tant la personnalité que les convictions de son personnage dans une belle synergie chorale.
Marie Hurault campe la crémière qui rappelle avec le bon sens populaire qu'elle vaut autant que le peintre et Alexandre Cattez dans le rôle du journaliste et écrivain établi Emile Zola sème la zizanie en militant pour un art politique sous le signe du réalisme social.
Elya Birman empathique en Monet illuminé de la lumière non hostile au compromis pragmatique, Romain Arnaud-Kneisky en Renoir loqueteux et fébrile qui par manque d'argent met le feu aux poudres, Elya Birman et Sylvain Zarli en Degas dandy radical et directif suspecté de manipulation du groupe à son profit personnel.
Et avec Alice Serfati, aussi subtile que déterminée en Berthe Morisot, la ténébreuse femme en noir aux yeux de braise qui s'impose dans un monde d'hommes, tous s'avèrent émérites et contribuent à la réussite totale de ce passionnant spectacle à apprécier sans réserve. |