Seul en scène écrit par Alain Klingler et Sophie Rockwell, mis en scène par Alain Klingler et interprété par Chloé Mons.
Peut-on être une star et proclamer "Je ne suis pas narcissique" ? C'est tout le paradoxe du spectacle de Chloé Mons.
Si elle ne se revendique que comédienne, essayant dans un seul-en-scène de gagner ses galons dans la profession, elle peut largement vivre sans avoir un ego surdimensionné et revendiquer pleinement son non-narcissisme.
Au contraire, cela n'a pas de sens si elle se veut star. Actrice blonde, plus près de Bette Davis ou Monica Vitti que de Marilyn Monroe ou Gena Rowlands, Chloé Mons joue ici quelqu'un qui est chez elle dans une pièce où règne un grand capharnaüm et qui lui sert de dressing.
Elle ne parle que par bouts d'interviews d'actrices recueillies dans la presse féminine par Sophie Rockwell et Alain Klingler, par ailleurs metteur en scène du spectacle. On peut penser que Chloé s'attribue ses propos.
Au passage, on ne sait pas qui a dit quoi. On est dans un jeu péréquien ou le bout-à-bout hétéroclite aboutit à un texte qu'on jugera plutôt cohérent. Dès lors, ces phrases, ces anecdotes peuvent provenir d'actrices de tous horizons. Des Delphine Seyrig, des Béatrice Dalle ou des Sylvie Testud. On n'a pas d'indices sur qui aurait pu s'exprimer.
Seule indication, à un moment, on entend en bruit de fond pendant quelques secondes la voix plaintive de Romy Schneider murmurant "je suis une actrice" dans "L'Important, c'est d'aimer" d'Andrzej Zulawski. On se souvient que le personnage est une actrice déchue obligée de tourner dans un film pornographique. Si ces propos sont en correspondance avec le rôle tenue par Chloé Mons, on accréditera la thèse qu'elle joue une ex-star, un peu perdue, un peu border-line.
Changeant parfois de vêtements, ne cherchant pas particulièrement à "vamper" le potentiel spectateur que son rôle ne l'oblige pas forcément à imaginer, Chloé Mons donne à entendre plaisamment les répliques qu'elle a en bouche. Son implication n'allant pas jusqu'à une caricature d'incarnation, on ne l'imagine pas vraiment au bord de la crise de nerfs ou menacée de bipolarité.
Elle est consciente de ce qu'elle est en train de lire, de ce qu'elle est en train de jouer. On est alors devant quelqu'un qui affirme sans ambiguïté que son personnage n'est pas narcissique. Au contraire, on est dans un contexte expérimental, où l'actrice se doit être humble.
Comme on sait que Chloé Mons a une vraie carrière d'actrice ou de chanteuse underground - on se souvient qu'elle avait enregistré en 2002 le Cantique des Cantiques avec Alain Bashung- cela corrobore la thèse de l'actrice pas de la star. Sa plastique, accentuée par un visage diaphane, pourrait faire d'elle une star, mais tout dans son jeu pèse pour soutenir qu'elle n'en a aucune envie.
"Je ne suis pas narcissique" contient plus de mystère qu'il n'y paraît. Chloé Mons est à son avantage dans ce rôle à la légèreté plus feinte que réelle. Elle réalise ce qu'elle souhaitait : prouver qu'elle est avant tout une comédienne. |