Comédie dramatique d’Harold Pinter, mise en scène de Ludovic Lagarde, avec Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaux.
Après son excellente proposition pour "La Collection" d'Harold Pinter, le duo formé par Olivier Cadiot, à la traduction, et Ludovic Lagarde, pour la mise en scène présente, avec autant d'acuité et de sagacité, un de ses autres emblématiques opus.
"L'Amant" souvent analysé comme la déclinaison anglaise de la danse de mort strinbergienne, invite à une immersion dans l'intimité d'un couple apparemment libéré et décomplexé dans laquelle la sérénité dissimule, peut-être, une terrible violence.
Avec une situation concrète, la thématique classique de l'adultère et le mode du huis-clos, Harold Pinter réorchestre, à l'aune de son humour noir et d'une écriture aussi elliptique qu'ambigüe, les codes du vaudeville, de la comédie de moeurs placée sous le signe de l'amoralisme bourgeois et du thriller psychologique.
Ainsi se confrontent trois personnages fameux, la femme, le mari et l'amant, dans une configuration inédite dépourvue du macguffin "Ciel mon mari !" et de la découverte de son infortune par l'époux, et désamorcée derechef par une réplique introductive aussi inattendue que déconcertante, ce dernier s'enquérant fort civilement de la venue de l'amant ce qui lui confère de surcroît l'image sinon de l'indifférence du moins de la complaisance. Et édifiante quand se révélera le visage de cet amant.
Car les relations amoureuses de ce couple un peu à bout de souffle résultent d'un arrangement qui repose sur un jeu de rôle dont Harold Pinter distille les indices à dose jhoméopathique avec des dialogues elliptiques et incisifs se déployant en strates équivoques propices tant à des interprétations plurielles pour le spectateur qu'à une multiplicité des possibles dramaturgiques laissée à l'appréciation du metteur en scène.
En l'occurrence, Ludovic Lagarde brasse avec brio les cartes de la transgression, de la simulation, du simulacre et du fantasme, en l'espèce d'une sexualité clivée entre la maman et la putain, caractéristiques du schizo-drame pintérien maniées, et manipulées, par une distribution de haut vol.
Dans la scénographie d'Antoine Vasseur avec un élégant décor de souplex en trichromatique beige, blanc cassé et noir et à l'ameublement minimaliste et totalement impersonnel de magazine déco, Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaux s'avèrent époustouflants dans ce délire à deux "at sweet home". |