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puce Pierre Aufrey - Isabelle Guiard
Interview  (Paris)  25 avril 2006

Se joue, du 28 mars au 28 mai 2006, au Théâtre Ranelagh, une fantaisie théâtrale de Pierre Aufrey, mise en scène par l'auteur, "Il est toujours en retard, Monsieur Jean !" qui nous entraîne dans l'univers magique de Jean de La Fontaine et les chausse-trapes de la cour du Roi Soleil.

Un texte intelligent, drôle, ludique et roboratif, une scénographie originale, et une interprétation brillante par Pierre Aufrey lui-même et Isabelle Guiard dans les rôles d'un maitre d'hôtel monomaniqaue, Monsieur Georges, et d'Odile, une serveuse gaffeuse.

Voilà un tiercé gagnant qui devrait ravir les amateurs de belles lettres satiriques et enchantées et de spectacle singulier.

Nous avons donc rencontré Monsieur Georges et Odile en personne.

Quelle est la genèse de ce spectacle consacré à Jean de La Fontaine ?

Pierre Aufrey : J'aime beaucoup La Fontaine et au cours des soirées organisées pour le Printemps des Poètes j'ai été amené à dire ses textes. Et mon entourage m'a suggéré d'écrire une pièce. Je me suis beaucoup interrogé avant de prendre la plume car je me demandais vraiment comment il était possible d'écrire autour de textes qui sont inouïs de perfection, une perfection du langage qui interdit de poser une virgule à côté.

Je suis donc resté longtemps devant une page blanche. Et puis un jour, il y a eu deux déclics, un déclic structurel et un déclic émotionnel. Le déclic structurel a surgi quand j'ai pensé aux nouvelles de Théa Hoffmann dans le domaine musical qui joue avec les anachronismes et le temps dans lesquelles le temps n'existe pas.

J'ai donc pensé à poser cette pièce dans un endroit en dehors du temps, c'est-à-dire qu‘on ouvre une porte et on saute 3 siècles et cela de manière très naturelle et normale. D'où le principe d'écriture pour situer la pièce dans un restaurant en 2006 mais aussi en 1680. Et c'est l'alcool, le principe dionysiaque qui aide à ce télescopage du temps puisque cela se passe dans la tête de Monsieur Georges, le maître d'hôtel.

L'autre déclic, face à ma honte d'oser écrire à côté de la fontaine, fut le personnage de Françoise dans la recherche du temps perdu de Marcel Proust et de sa façon de faire des cuirs et cette poésie du mal parler. Donc je me suis dit que l'introduction d'un personnage de cet acabit me permettrait d'oser écrire une pièce sur La Fontaine.

Quels ont été vos critères de choix pour la thématique et les fables ?

Pierre Aufrey : Comme il y a 12 livres qui comportent chacun une quinzaine de fables, il a bien évidemment fallu faire des choix et trouver une thématique. La thématique c'est la politique car La Fontaine a été une sorte d'opposant "mou" à l'absolutisme monarchique.

Il a exprimé ses opinions de manière détournée par le biais de légendes et de contes comme tous les écrivains un peu frondeurs de son époque, sauf ceux qui s'exilaient comme Saint Evremont. Tout le monde feignait de croire en ces fables mais comprenait fort bien le fond du propos. D'ailleurs à cette époque, il y avait des éditions, par exemple des Caractères de La Bruyère, qui circulaient avec en annexe des clés qui permettait de reconnaître les personnes réelles derrière les personnages.

Le choix des fables s'est donc imposé en fonction de cette thématique et je suis parti d'un critère émotionnel en retenant celles que j'adore. Il y en avait une quarantaine et il en reste 7 car nous ne pouvions les garder toutes bien évidemment.

Pour cette pièce vous cumulez les rôles d'auteur, de comédien et de metteur en scène. Cela s'est naturellement imposé à vous ?

Pierre Aufrey : Oui, d'une part, parce nous sommes une petite compagnie et, d'autre part, parce que pendant la phase d'écriture me venaient des images et même les effets spéciaux. J'ai écris un peu comme un metteur en scène. Je n'ai aucune ambition d‘auteur. J'ai fait un petit travail d'artisan qui passe par l'écriture mais aussi énormément de lectures et de relectures de Saint Simon par exemple et de beaucoup d'autres ouvrages sur cette époque.

Car il faut préciser qu'en dehors de La Fontaine le texte est truffé de paraphrases de scènes d'auteurs très célèbres comme par exemple la scène finale qui est une paraphrase de la fameuse lettre sur le bilan du règne de Louis XIV don ton pense qu'elle est de Fénelon qu'il aurait reçu de manière anonyme. Il y a également un texte de la Bruyère inséré dans un journal pseudo humanité.

Ce spectacle sur un auteur français doit intéresser les scolaires ?

Pierre Aufrey : Je dirais oui et non. Je vais généraliser et donc dire au moins la moitié d'une bêtise. Le spectacle st construit sur des anachronismes, des aberrations de langage, des références historiques et culturelles qui font que pour jouir du comique et de l'intérêt poétique et fantastique de la chose il faut avoir des références. Par exemple, quand ma partenaire dit si drôlement : "Il ne faut pas se mettre marcel en tête" il y a des personnes qui ne comprennent pas.

Isabelle Guiart : Car ils ne connaissent pas l'expression "se mettre martel en tête". Et tout est l'avenant.

Pierre Aufrey : Et de plus je m'insurge sur le fait que l'on pense que La Fontaine soit un auteur pour enfants. La Fontaine est un auteur pour adultes et adultes très avertis. Cela étant des adolescents peuvent bien évidemment venir par goût et apprécier ce spectacle. Mais s'agissant de groupes de scolaires, hormis les littéraires, des étudiants en classe préparatoires, comme pour La Fontaine,

Il faut avoir les clés pour ce spectacle ce qui demande d'avoir soit une petite culture personnelle soit une bonne préparation au spectacle. Dimanche, un des grands spécialistes de La Fontaine est venu voir le spectacle qui était totalement subjugué parce qu'il était en familiarité avec le sujet. Cela étant il y a l'aspect effets spéciaux-fantastiques du spectacle mais ils arrivent vers la fin du spectacle.

Isabelle Guiard : Certaines choses leur passent complètement au dessus de la tête mais d'autres les accrochent totalement.

Pierre Aufrey disparaît pour régler des lumières.

Vous interprétez Odile qui est un peu le souffre douleur de Monsieur Georges. Est-ce facile de jouer une pièce avec un comédien qui est également l'auteur et le metteur en scène ?

Isabelle Guiart :Ce n'est pas facile mais Pierre est un ami de longue date et nous avons beaucoup travaillé ensemble ce qui a créé une énorme complicité entre nous. Et puis, il a écrit ce personnage en pensant à moi pour le rôle et aux choses que nous faisions ensemble. Ce qui est très propice au plaisir et facilite les choses.

Cela étant, il est vrai qu'il ne peut pas être dedans et dehors et j'aurais bien aimé avoir un oeil extérieur. Au mieux, j'ai une oreille et au pire j'ai pas. De plus, il est complètement en maîtrise de son œuvre et il n'y a pas d'espace pour quiconque même moi aussi investie sois-je. Il faut donc accepter ce principe mais il est très à l'écoute.

Ce doit être un plaisir que de jouer un rôle écrit pour soi et de jouer La Fontaine ?

Isabelle Guiart : C'est un plaisir complet. J'aime beaucoup cette langue et cela m'a donné l'occasion, d'où l'intérêt de ce métier, de me replonger dans les fables qu'on travaille souvent dans les cours de théâtre mais que j'avais un peu perdues de vue. Je suis donc très heureuse de me replonger dans cette oeuvre géniale. C'est un chef d'œuvre et il y a une véritable jubilation dans ces fables. J'interviens peu dans leur lecture mais c'est un régal.

Ce spectacle comporte un aspect "interactivité" avec le public. Tout est-il écrit et très cadré ou existe-t-il une petite marge de manoeuvre selon les réactions du public qui peut être amené à se manifester verbalement ?

Isabelle Guiart : Les manifestations de ce type sont assez rare encore que une fois lorsque je présente la nappe immonde et que j'en loue le travail, il y a une spectatrice qui s'est écrié : "Non, c'est moche !". Les salles sont différentes tous les soirs.

Pierre Aufrey revient nous voir pour chercher Isabelle Guiard et en profite pour répondre à quelques questions.

Après le Ranelagh, y a-t-il d'autres programmations d'ores et déjà prévues ?

Pierre Aufrey : Nous faisons quelques représentations éparses quand il y a relâche ici. Nous sommes au Ranelagh jusqu'au 28 mai. Après nous verrons.

Isabelle Guiart : Mais pas ici car la programmation est déjà bouclée.

Il est vrai que le cadre du Théâtre Ranelagh se prête particulièrement bien à ce spectacle.

Isabelle Guiart : Effectivement mais il est un peu dommage qu'il ne soit pas gradiné car les spectateurs perdent un peu au plan visuel.

Pierre Aufrey : C'est le 10ème anniversaire de notre Compagnie Arthélème qui a été fondée en 1996 et qui a monté 4 spectacles dont j'ai assuré la mise en scène : "La mère confidente de Marivaux, "Le roi se meurt" d'Ionesco dans lequel jouait Isabelle, "Hugo hélas" à l'occasion de l'année Hugo qui était une évocation élogieuse mais moins confite en dévotion et maintenant "Il est toujours en retard Monsieur Jean !".

Ce dernier a bénéficié d'une aide du Conseil Général des Yvelines et la ville de Rambouillet. C'est une petite compagnie qui comporte un noyau dur de 3-4 personnes et plus après si affinités selon les spectacles. Un de ses caractéristiques est l'importance de ses activités pédagogiques car nous faisons des interventions très régulières en milieu scolaire et universitaire et dans le monde de l'entreprise.

Il est sans doute prématuré de vous le demander mais vous n'êtes pas encours d'écriture d'un nouveau spectacle ?

Pierre Aufrey : Si ! J'ai plusieurs projets en cours mais il est un peu tôt pour en parler et je ne sais pas celui qui se concrétisera le premier.

Vous proposez aux spectateurs de recevoir par internet un feuilleton en plusieurs épisodes mettant en scène les personnages de la pièce. Il s'agit d'un petit bonus, d'une opération promotionnelle ou cela signifie-t-il tout simplement ces personnages vont devenir récurrents ?

Pierre Aufrey : Cette dernière hypothèse n'est pas exclue mais un registre autre que théâtral. L'idée est un vieux fantasme du directeur d'acteurs que je suis qui est de faire exister les personnages du spectacle en dehors de la pièce. Je suis professeur de théâtre au Conservatoire de Rambouillet et la vie des personnages après la pièce m'obsède. Que se passe-t-il pour Monsieur Jourdain après qu'il se soit rendu compte qu'il n'est pas mamamouchi ? Ici, comme je suis l'auteur je peux imaginer l'après.

Isabelle Guiard : Tous les épisodes ont été tournés au Théâtre du Ranelagh et de ce fait ce lieu dans lequel nous avons situé l'Auberge du Lion devient effectivement l'Auberge du Lion.

Pierre Aufrey : Vous essaierez de deviner les endroits où nous avons tourné.

Avez-vous des projets en dehors de cette pièce et de la compagnie ?

Isabelle Guiard : J'ai une activité parallèle d'auteur compositeur interprète et en ce moment je suis plutôt dans une bulle de réflexion. J'ai eu pendant un quatuor vocal avec lequel j'ai beaucoup tourné pendant 10 ans et d'ailleurs Pierre assurait la mise en scène de nos spectacles qui étaient plutôt loufoques. Je continue à écrire des chansons. Et j'ai des projets mais sur une plus longue durée.

 

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La chronique du spectacle Il est toujours en retard, Monsieur Jean !


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# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

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