Si vous ne connaissez pas encore Celeste Ng, son époustouflant roman qui vient tout juste de sortir aux éditions Sonatine sera l’occasion de découvrir une des grandes auteures de la littérature américaine. Avec Nos cœurs disparus, on peut aisément assurer que l’auteure américaine frappe un grand coup et que son ouvrage devrait rencontrer le succès en France. Ses deux premiers ouvrages, Tout ce qu’on ne s’est jamais dit et La saison des feux étaient d’excellents ouvrages, celui-ci est pour moi tout simplement grandiose.
Nos cœurs disparus est un grand livre, de ceux dont la lecture reste marquante, que l’on n’oublie pas. Je sais déjà que dans quelques années j’aurais encore grand plaisir à le relire. Nos cœurs disparus est au départ une superbe histoire familiale qui nous fait beaucoup réfléchir, dans lequel l’auteure se pose beaucoup de questions.
L’histoire se déroule aux Etats-Unis, dans un futur pas si lointain. Le jeune Bird Gardner vit seul avec son paternel sur un campus universitaire. Depuis quelques années, leur existence est rythmée par des décrets liberticides. Le gouvernement a en effet instauré une loi de préservation des traditions, permettant de considérer tout élément de culture étrangère comme suspect, et potentiellement dangereux pour la société. Les citoyens sont surveillés, les manifestations deviennent interdites. Les livres définis comme séditieux sont retirés des bibliothèques. A commencer par ceux de la mère de Bird, la poétesse Margaret Miu, disparue mystérieusement trois ans plus tôt.
Le jeune garçon a appris à se désintéresser d’elle, à ne poser aucune question sous peine d’attirer l’attention des forces de l’ordre. Mais le jour où une lettre arrive, ne contenant qu’un mystérieux dessin, il comprend que c’est sa mère qui lui laisse un indice pour la retrouver. Guidé par un réseau clandestin de bibliothécaires, Bird entreprend alors une quête à la recherche de Margaret qui va le conduire à prendre peu à peu conscience du sort des opprimés et de la nécessité impérieuse de porter leur voix.
L’auteure prend soin dans un premier temps de bien nous présenter ce que l’on pourrait appeler le décor, en l’occurrence ici la société mise en place extrêmement frileuse (c’est rien de le dire) vis-à-vis de ceux qui viennent de l’extérieur, de l’étranger. Cela peut paraître un peu long, trop détaillé aussi mais véritablement précieux pour bien appréhender (et porter un regard critique) cette société liberticide, particulièrement contre les Asiatiques, accusés et considérés comme responsables de tous les maux des Etats-Unis.
La deuxième partie donne une nouvelle dimension à l’ouvrage, qu’il devient très compliqué de lâcher l’ouvrage devant cette société qui continue d’évoluer dans le mauvais sens, autour de cette mère qui doit fuir pour protéger son enfant. La troisième partie et la fin, totalement bouleversante est à la hauteur du reste de l’ouvrage. L’auteur joue sur les points de vue avec brio puisque le récit se trouve sous l’angle de l’enfant mais aussi sous l’angle de la mère, l’auteur prenant soin de mettre en place une écriture adaptée à celui qui nous parle, plus sensible pour l’enfant, plus nerveuse pour la mère. L’ensemble fonctionne parfaitement, donnant du rythme à la lecture avec des chapitres relativement courts qui s’enchaînent bien.
Nos cœurs disparus est donc un ouvrage fascinant, une fiction qui au final n’est pas si éloignée de nos réalités, un ouvrage qui brasse de nombreuses thématiques pour mieux nous faire réfléchir au monde qui nous entoure. Le racisme quasi endémique dans nos sociétés, la violence de nos sociétés, les séparations familiales et l’importance de la transmission à nos enfants sont analysés avec talent dans cet ouvrage. L’importance des livres, le rôle des bibliothécaires sont aussi au cœur de l’ouvrage. Et par-dessus tout, Nos cœurs disparus est surtout un bouleversant ouvrage sur l’amour infini que peut porter une mère à son enfant.
Salutaire et bouleversant, Nos cœurs disparus est sûrement l’un des grands livres de cette rentrée littéraire qui fait partie de mes coups de cœur, une lecture que je ne suis pas prêt d’oublier.
Coup de froid sur le pays, tant en terme de météo que de politique. Réchauffons nos petits coeurs avec de la musique, des livres du théâtre et la MAG#90...
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