Animé par la passion de la langue française et la création artistique, Xavier Jaillard comédien, scénariste, metteur en scène et auteur dramatique, a un parcours riche et atypique dans lequel il n'a jamais cédé à la routine.

En automne 2005, il s'est attelé à un nouveau défi : trouver une scène ouverte qui soit un tremplin pour la création. Ainsi sont nées les Soirées Découvertes théâtrales organisées au Studio Raspail sous l'égide de la Société littéraire de la Poste et de France Télécom.

Xavier Jaillard nous en dit plus sur cette généreuse et passionnante initiative.

Quelle est la genèse et la finalité des Soirées Découvertes Théâtrales que vous organisez au sein du Théâtre club de la Société Littéraire de la Poste et de France Telecom ?

Xavier Jaillard : Tout résulte du hasard. L'année dernière alors que je jouais "L'oursin de Francis Blanche" au Petit Hébertot et que je cherchais à en faire la promotion, j'ai fait la connaissance d'André Degaine qui officie au sien du Théâtre Club et qui m'a invité à une soirée pour parler de ma pièce. Dans les jours qui suivirent, j'ai vu arriver l'équivalent d'une salle complète de spectateurs envoyés par la Société littéraire de la Poste et France Telecom. Au sein de ces soirées théâtre Club, André Degaine parlait du théâtre et parfois de certaines pièces à l'affiche mais de manière anecdotique.

Je suis retourné plusieurs fois à ces soirées et on m'a demandé si je voulais participer au développement de ces soirées. J'ai d'abord refusé parce que cela fait chic et puis j'ai accepté à la condition d'avoir l'opportunité de concrétiser un de mes projets qui est de faire l'avenir du théâtre en trouvant un lieu institutionnel à Paris qui puisse venir en appui et en complément du marché que font les acheteurs de théâtre essentiellement à Avignon, ce lieu permettant de présenter à un vrai public l'intégrale d'une lecture pour aider les projets dépourvus d'un certain nombre de moyens financiers.

Cela imposait 2 choses : la modification du programme existant depuis des années en apportant de la création du 21 ème siècle et l'élargissement du public d'abonnés à un public de professionnels qui pouvaient donner suite aux projets qui étaient proposés. J'ai donc constitué un fichier et procédé à des invitations. Petit à petit, les professionnels sont venus car le challenge était de pouvoir les intéresser et surtout de pouvoir constater à court terme que certains projets avaient connus une concrétisation.

Ainsi, nous avons eu la joie d'apprendre récemment que le spectacle"Inconnu à cette adresse" avec Xavier Beja et Guillaume Orsat que nous avions présenté en novembre 2005 est programmé du 22 mars au 7 avril 2006 au Théâtre du Lucernaire pour 60 représentations coproduites. Ce spectacle avait d'ailleurs été plébiscité par le public. De plus, ce spectacle est basé sur un échange épistolaire. Quoi de mieux pour une Société littéraire?

Et cette initiative connaît un succès grandissant ce qui m'inquiète un peu car elle risque d'être victime de son succès. La salle est pleine et le nombre de projets qui nous sont transmis augmente de façon considérable ce qui implique la nécessite d'augmenter nos moyens notamment en ayant un comité de lecture. Mais je suis très content de voir que cet outil de promotion que nous avons mis en place a trouvé aussi rapidement un écho favorable.

Comment sont composées vos soirées?

Xavier Jaillard : Les Soirées Découvertes Théâtrales fonctionnent selon le proverbe "On n'attire pas les mouches avec du vinaigre". On ne fait pas venir les grands professionnels s'ils n'ont pas quelque chose qui les attire. Et ce qui les attire c'est le people. Personne n'échappe à cette règle. Le côté "happening" est primordial. Donc en première partie, nous invitons les gens les plus connus possibles dans les spectacles les plus lancés possibles.

Les gens viennent et nous faisons une interview de la vedette. Une fois que les professionnels sont là ils sont en quelque sorte piégés et intervient alors notre second partie réservée aux découvertes. Il est évident que l'invitation à venir voir de jeunes comédiens inconnus dans une pièce qui n'est pas encore programmée n'aurait eu aucune suite. La formule c'est le piège.

Cette initiative résulte donc uniquement de votre collaboration avec la Poste et France Télécom ?

Xavier Jaillard : Oui. Ce que j'apporte est une expérience personnelle du théâtre et les outils de production car j'ai fait beaucoup de production. Lorsque j'ai rencontré la Poste France et Télécom, ils m'ont dit : "Nous avons une Société Littéraire qui dispose d'un lieu, le Studio Raspail qui est un vrai théâtre, et d'un secrétariat dont vous pouvez utiliser les services". C'est mon sponsor en quelque sorte.

Avez-vous carte blanche?

Xavier Jaillard : Oui, et cela à l'intérieur de mon cadrage initial.

Comment s'effectue le choix des spectacles que vous proposez?

Xavier Jaillard : C'est consensuel. Je ne fais pas les choix seul car il y a plus de cervelle dans plusieurs têtes que dans une seule. Et puis je n'ai pas envie de tirer la couverture à moi. D'ailleurs je me trouve même dans une position délicate puisque je suis également auteur et comédien.

Notre collège comprend plusieurs personnes dont Bernard Rotureau,le Président de la Société Littéraire, Alain Toutous qui est le vice-président, Danielle Mazens, la secrétaire et remarquable cheville ouvrière, André Degaine, Françoise Casamatta qui m'aide à la programmation et qui a fait toute sa vie directrice exécutive du Fonds de soutien du théâtre et secrétaire du Syndicat des directeurs de théâtre de Paris, Delphine Guillot mon assistante qui est aussi comédienne et moi-même. Nous allons beaucoup au théâtre pour faire nos choix. Mais maintenant nous recevons directement beaucoup de projets.

Donc la tendance s'inverse.

Xavier Jaillard : Oui. Et de manière très importante. D'où la nécessité d'instituer un comité de lecture. De plus arrivent des demandes de collaboration d'autres gens qui ont la même démarche comme le Théâtre du Rond-Point.

Ce dernier nous a demandé d'accueillir le spectacle de Victor Haïm "Pour la peau d'un fruit" mis en scène par Anne Bourgeois qui lui semblait entrer davantage dans notre créneau. Ce qui nous encourage et nous rend fiers puisque notre travail est valorisé par les professionnels. D'autant que nous avons chacun notre créneau.

Pour ce qui nous concerne nous avons opté pour des spectacles qui s'adressent à un public qui n'est pas "spécialisé". Un public qui aime un théâtre d'action, de divertissement ce qui n'est pas synonyme de théâtre de facilité. Mais il est vrai que nous n'allons pas trop loin dans le théâtre de recherche. J'aime pour ma part le théâtre qui va directement à l'émotion soit par le rire soit par les pleurs, un théâtre d'émotion première.

Cela va donc en complément sans doute utile de ce que font les théâtres subventionnés plus axés sur un théâtre de recherche, plus intellectuel, plus profond. J'essaie d'aller vers un théâtre abouti.

Quelle est la périodicité de vos soirées?

Xavier Jaillard : Au départ, j'avais demandé tous les lundis. On m'a proposé un lundi par mois. Bref, en moyenne, actuellement, c'est une fois toutes les 3 semaines. Mais si la tendance actuelle se maintient, nous essaierons 2 lundis même s'il est rai que cela mériterait bien la périodicité que j'avais demandé au départ. Il y a 22 programmations prévues pour cette saison.

Quelles sont vos plus grandes difficultés?

Xavier Jaillard : Il n'y en a pas. Ce n'est que du bonheur. Les difficultés éventuelles sont celles liées au succès de cette entreprise. Cela me donne évidemment un travail considérable. Et alors qu'il s'agissait d'une activité de complément pour ce qui me concerne, cela devient une activité quasiment à plein temps qui nécessite que je m'organise.

Quel est le ressenti des comédiens et auteurs postulants ?

Xavier Jaillard : Je me suis rendu compte d'un nécessaire cheminement. Au début ils venaient par le biais du bouche à oreille et parce que l'on faisait marcher notre carnet d'adresses et ceux des copains. Puis, nous avons eu des "candidatures" spontanées. Alors nous nous sommes appuyés sur le loup blanc du métier qui est le fichier électronique du spectacle de Claude Wolf qui était un outil de casting. Ce fichier qui est devenu "Le nouveau fichier" a un site sur internet qui permet aux comédiens de postuler pour des castings.

J'ai pensé qu'il était judicieux d'inviter le nouveau fichier systématiquement et de lui demander d'avoir un point d'accueil dans le hall du théâtre avant et après la soirée pour permettre d'éventuels rapprochements. J'espère que se créeront une synergie et une complémentarité de leur action avec la nôtre. Nous essayons aussi de mobiliser les tourneurs qui ne sont pas très nombreux et quand ils ne viennent pas nous leur envoyons des comptes-rendus des soirées auxquels votre site participe d'ailleurs largement ce dont je vous remercie.

Quels sont les retours du public ?

Xavier Jaillard : Ils sont bons et l'affluence croissante du public en est la preuve. Par ailleurs nous avons pu organiser à partir de ce public et des abonnés de la Société Littéraire de la Poste et de France Télécom, qui est le premier corps social en France, des groupes pour assister à un des spectacles annoncés lors de nos soirées. Et nous tenons également un palmarès des spectacles que nous avons présentés.

Vous arrêtez pendant l'été je suppose?

Xavier Jaillard : Oui. Nous arrêtons fin juin et nous rependrons début septembre. L'été sera consacré aux festivals d'été et à Avignon.

Vous travaillez à quelle échéance?

Xavier Jaillard : Trois semaines environ. Car il y a tous les aléas du direct et il nous est arrivé de boucler une programmation 10 jours avant sa date. Notre recherche est à court terme puisque s'agissant des lectures il doit s'agir d'un spectacle prêt à une éventuelle programmation en salle c'est-à-dire comprenant une distribution, des droits acquis, etc…Ce qui explique aussi le fait que les invitations sont lancées parfois très peu de temps avant la soirée.

Vous dites craindre le trop grand succès et vous parliez de charge de travail croissante pour ce qui vous concerne. Mais vous serez encore là en septembre 2006 ?

Xavier Jaillard : J'espère bien…à moins que l'on m'ait fichu dehors! (rires).