Si vous aimez l’Histoire et les polars, il semble évident que cette nouvelle publication des éditions Sonatine est faite pour vous. Comme si nous étions des fantômes, de Philip Gray est une très bonne surprise, un ouvrage qui se déroule pendant la Première Guerre mondiale, nous plongeant dans l’enfer des tranchées.
Philip Gray a étudié l’Histoire à Cambridge, puis a travaillé comme journaliste dans des grandes villes européennes avant de se lancer dans l’écriture. Comme si nous étions des fantômes est son premier roman et il est franchement réussi.
L’histoire se déroule en 1919, à Amiens dans la Somme lorsque les champs de bataille sont enfin devenus calmes et silencieux. L’heure est à l’identification des corps qui jonchent ces tranchées avec l’espoir de pouvoir identifier ces malheureux tombés pour l’honneur de leur pays.
Parmi eux se trouve un capitaine, un certain MacKenzie qui rencontre une jeune femme venant d’Angleterre, qui cherche à retrouver l’homme qu’elle aime, Edward Haslam, porté disparu. Dans la tranchée où il a été vu pour la dernière fois se trouvent 13 cadavres non identifiés. Très vite, il apparaît que ces morts n’ont rien à voir avec les combats et encore moins avec l’armée allemande.
Cette découverte et ces cadavres non identifiés vont donc servir à la trame du polar que constitue cet ouvrage, nous permettant de savoir pourquoi et comment ils sont morts. Mais en même temps, au-delà de cette dimension polar, voire thriller aussi, l’ouvrage nous permet aussi de nous plonger au cœur des tranchées, après la Grande Guerre notamment.
On y voit donc l’horreur que durent subir ceux qui furent chargés de vider les tranchées et ses boyaux. Certains apprendront du coup l’utilisation d’une main d’œuvre chinoise pour effectuer ce travail, sachant qu’ils furent aussi grandement utiles lors du terrassement des tranchées en 1916, nombreux venant de Shanghai avec l’espoir de gagner de l’argent en effectuant ces tâches ingrates.
L’ouvrage brasse des thématiques peu connues de cette Grande Guerre comme le racisme et la drogue (pour stimuler mais aussi calmer les poilus), très présents à l’époque. Une place non négligeable est portée aussi sur le rôle des femmes dans la guerre et dans la société. On imagine donc que l’auteur a dû faire un travail de recherche et de documentation pour être le plus précis dans ses descriptions de la Grande Guerre.
C’est donc un roman dense que nous propose Philip Gray, dense mais très accessible aussi puisqu’il manie parfaitement la dimension historique et la dimension thriller. Il rentre dans ce que l’on peut appeler les romans de guerre (aussi bon qu’un Au revoir là-haut ou que Un long dimanche de fiançailles) et pourrait devenir un excellent film si un réalisateur avait l’idée de l’adapter au cinéma.
C’est aussi un thriller puisque le lecteur va suivre l’enquête permettant de découvrir le ou les tueurs de ces 13 cadavres découverts dans la tranchée. L’ensemble de l’ouvrage mêle parfaitement vérités historiques (précises en plus) et fiction, arrivant à maintenir un suspense au fil des pages pour un dénouement qui arrive en tout fin de l’ouvrage. C’est habile, futé, superbement construit tout en étant très immersif et prenant. On vit l’enfer des tranchées, la dureté du travail de ces migrants chinois comme si on y était avec des passages très durs qui côtoient aussi des passages particulièrement émouvants.
Comme si nous étions des fantômes est donc un excellent livre que je vous recommande vivement. |