Quand vous saurez que ceux à qui est confié la mission capitale de récupérer l'os de la cuisse gangrenée sauvée du cannibalisme familial de Sainte Ferghana dont dépend l'accès à la reconnaissance internationale de deux pays balkaniques en lutte fratricide, la Tsergovie et le Votskojek, sont des dangereux criminels qui ont du abandonner le camion qu'ils ont volé rempli de poissons surgelés devenus invendables parce qu'ils en avaient coupé la réfrigération, vous n'aurez qu'une toute petite idée des (més)aventures rocambolesques de ces Pieds Nickelés qui, comme les Trois Mousquetaires sont quatre.
Donald Westlake, auteur prolifique, éclectique et inspiré, livre avec cette "Histoire d'os", qu'il dédie "avec une admiration respectueuse à Robert Redford, Georges C. Scott, Paul Le mat et Christophe Lambert ("Tous des Dortmunder. Qui l'êut cru ?") une farce loufoque à rebondissements en cascade et pleine d'un humour redoutable et parfois caustique. Parce que derrière l'irrationnel, l'incroyable, le grain de sable, la mouche dans le potage, l'invraisemblable et les personnages cartoonesques se cache un auteur qui a trempé son scalpel déguisé en plume dans une encre confondante de brio et d'émotion intelligemment distillée.
Avec John Dortmunder, un de ses personnages récurrents, anti-héros type, spécialiste non pas des coups foireux mais des mécaniques élaborées qui connaissent une fin inattendue et particulièrement morale ou plus exactement non pas morale au sens judéo-chrétien du terme mais au sens humaniste - ne s'agirait-il d'ailleurs pas plutôt d'une fable que d'une farce ? - , il entraîne le lecteur dans une suite ininterrompue et captivante de péripéties même si les clés nous en sont livrées dès les premières pages.
Car contrairement à ce que l'on pourrait le croire, il ne s'agit pas d'un simple divertissement : l'histoire est intelligemment ficelée et la psychologie des personnages habilement étoffée.
Un régal.
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