"Les siphonophores (Siphonophorae, du grec ancien, siphon, tube et pherein, porter, transporter) forment un ordre d'organismes zooplanctoniques gélatineux de l'embranchement des cnidaires qui vivent en colonies pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres de long". Rien de gélatineux dans le nouveau disque de Pointe du lac mais quelque chose de foncièrement organique, et pourquoi pas la musique d’un documentaire fictif, quelque part dans le monde sous-marin en arctique (d’où la carte figurant sur la pochette ?).

Une kosmische Musik des profondeurs ? Ce serait bien trop réducteur. Il y a bien quelque chose de l’ordre de la flottaison, de l’immersion, mais Pointe du Lac ne se cantonne pas au krautrock (genre qu’il maîtrise depuis presque une dizaine d’années tout en échappant à l’austérité et à l’abstraction de façade) mais aborde de nouvelles esthétiques, proches des musiques répétitives, atmosphériques, art rock, psychédéliques ou jazz. Le duo (Julien Lheuillier et Richard Francés) se transforme également avec la collaboration avec le saxophoniste Quentin Rollet en un véritable trio.

La musique se déploie lentement en harmonie (et en mille détails), comme en cercles concentriques, jeux de dynamiques et de timbres, travaille sur la matière, la densité ou l’enveloppe sonore. Elle semble parfois jaillir du silence tout en donnant l’impression d’être immergée dans un élément différent, ou comme de traverser cet élément. L’onde sonore n’est pas fictive, elle est onirique, immersive, planante. Les lignes mélodiques sont comme des courants, le rythme des organismes aux cœurs battants.

Le saxophone n’est pas qu’une simple excroissance, il tient ici quand il intervient, toute sa place. Il est là, jouant avec liberté ou conversant avec les claviers.

Envoûtant, pénétrant, pourquoi pas intriguant, superbe.