Réalisé par Anaïs Tellenne. France. Drame. 1h34 (Sortie janvier 2024). Avec Emmanuelle Devos, Raphaël Thiéry, Mireille Pitot et Marie-Christine Orry.
Qu'est-il arrivé aux jeunes cinéastes françaises ? En quelques années, les voila pour la plupart converties au film de genre... Avec bien sûr en tête du mouvement Julie Ducorneau, palme d'or pour "Titane" et heureuse réalisatrice de "Grave".
Si elles s'intéressent au fantastique sous toutes ses formes, c'est Anaïs Tellenne avec "L'Homme d'argile" qui réussit le plus improbable, le plus culotté des films et cela avec un grand mérite puisqu'elle a trouvé un acteur au physique naturellement proche de celui de Quasimodo et qu'elle ne le gâche pas, justement en cherchant un sujet évident où Raphaël Thiéry jouerait bêtement un rôle approchant de celui de Quasimodo.
Avec son oeil unique et son visage à jouer dans "Le Nom de la Rose," il avait tout pour n'être qu'une "tronche" du cinéma français comme les aimait le regretté Jean-Pierre Mocky et jouer dans quelques rôles "monstrueux" où on l'aurait enrôlé sans chercher à ne montrer autre chose que sa monstruosité.
Dans "L'homme d'argile", Anaïs Tellenne prend les choses tout autrement : on suit Raphaël dans son quotidien de gardien d'un château, occupé à chasser les taupes, pratiquant discrètement une certaine activé physique avec la postière en kangoo, toujours obéissant à sa mère avec qui il vit dans une dépendance de ce joli château peu peuplé.
Et voilà donc... l'inévitable événement qui va vite changer la vie de Raphaël : la légitime propriétaire revient au village. Elle est incarnée par Emmanuelle Devos, qui, pour une fois, n'est pas une femme active mariée à Daniel Auteuil et pratique une activité plutôt originale pour elle : la sculptrice. En découvrant l'existence de Raphaël, elle va l'utiliser dans son art...
Ce conte de fées dans lequel vont renaître sous des formes modernes des vieux thèmes datant d'il y a bien longtemps genre "belle et la bête", est assez elliptique, mais l'idée qui le sous-tend est à elle seule vraiment surprenante.
Quelque part, grâce à son personnage hors norme, Anaïs Tellenne invente un fantastique sans fantastique. Elle réalise un film qui envoie le cinéma bien loin des chemins balisés par la dernière palme d'or.
Pas la peine dans dire davantage : le seul fait d'entrer dans une salle où l'on projettera "L'homme d'argile" d'Anaïs Tellenne, sera faire le choix d'un autre cinéma, loin des films habituels, dans une région où l'on ne trouvait jusqu'à lors qu'un Eugène Green, époque "Monde Vivant".
On brûle d'impatience de revoir Raphaël Thiéry et on donnera un coup de chapeau à Emmanuelle Devos pour avoir quitté sa zone de confort et avoir pris le risque d' un vrai choix d'actrice. |