Qu’est-ce que l’on retient après quatre jours à déambuler et à s’en mettre plein les mirettes dans un énorme festival comme le FIBD d’Angoulême ? Des planches originales à couper le souffle, bien sûr, mais aussi des rencontres, des dédicaces, des pépites discrètes et des étonnements.
Voici mon palmarès tout personnel pour cette édition 2024.
1 – L’exposition Hiroaki Samura, corps et armes
Je ne m’intéresse pas au shonen, et les histoires de guerriers solitaires ont tendance à me casser les geta. D’autant plus énorme fut la claque prise devant les planches originales de L’Habitant de l’infini exposées à l’Espace Franquin. Virtuose du mouvement et du modelé, Hiroaki Samura mélange les techniques avec une habileté fascinante (encre, fusain, crayon, trame, gouache…). Et je ne vous parle pas de l’intensité dramatique des compositions.
2 – Exposition L’art de courir par Lorenzo Mattotti
Ce n’est pas une exposition de bande dessinée, diront les chagrins. Certes, mais il serait dommage de se priver de ces couleurs vibrantes, onctueuses, habitées. Comme il l’avait fait dans Nell’Acqua, Mattotti explore un même thème (en l’occurrence, la course à pied, année olympique oblige) encore et encore, à travers plusieurs techniques et formats.
L’exposition est accrochée jusqu’au 10 mars et certains dessins seront visibles Gare du Nord, à Paris.
3 - Les 20 ans des Editions de La Cerise
En 2003, Guillaume Trouillard fonde, avec d’autres étudiants des Beaux-Arts d’Angoulême, la revue Clafoutis et la structure éditoriale qui va avec : un espace d’expression créé par et pour les dessinateurs.
Les Editions de La Cerise publient des livres magnifiques, surprenants, atypiques et souvent un peu fous. L’exposition que l’on peut voir au Vaisseau Moebius jusqu’au 5 mai permet de parcourir avec émerveillement l’étendue de ces beaux délires, de la peinture sur rhodoïd aux micro-détails peints au pinceau à trois poils de La fille maudite du capitaine pirate.
4 – Plein ciel
Les éditions Ankama sont pleines de surprises. On ne les aurait pas forcément attendues sur le terrain d’un récit tendre à l’aquarelle dépeignant l’amitié entre voisins dans une tour d’un quartier populaire de Mulhouse, mais cette ouverture ne peut qu’être saluée.
Le scénario de Pierre-Roland Saint-Dizier, inspiré de faits réels, est charmant et laisse des papillons dans le cœur.
J’ai surtout été conquise par la grâce du dessin en couleurs directes de Michaël Crosa. Jusqu’à présent illustrateur jeunesse l’hiver et paysan varois l’été, il signe ici son premier album de bande dessinée. A suivre.
5 – Le dynamisme de la BD taïwanaise
La BD asiatique occupe de plus en plus de place au festival d’Angoulême, avec de grandes expositions, des invités prestigieux, et depuis plusieurs années un "espace manga" dédié. Si le manga y est effectivement dominant, on peut y découvrir des bandes dessinées issues d’autres pays asiatiques que le Japon. On pouvait cette année notamment voir de très belles choses sur le stand dédié à la BD taïwanaise. Petit regret que la barrière de la langue m’ait empêchée d’avoir un vrai échange avec Shih-hung Wu qui m’a dédicacé son album Oken.
6 – L’exposition Bergères guerrières
Une exposition très bien ficelée, avec plusieurs niveaux de lecture et d’appréciation pour les enfants comme les plus grands, permettait de plonger dans l’univers de l’œuvre de Jonathan Garnier et Amélie Fléchais. Les planches originales sont des petits bijoux, et le processus créatif est très bien décortiqué.
7 – Vinyl
Alternant histoires courtes et récits longs sur 136 pages, réparti sur 2 faces (comme un vinyle…), le dernier album collectif de l’association Nekomix, sur le thème de la musique, est un bel objet à la conception très maline. Il est rare l’adéquation forme/fond et le fil d’ariane liant les différentes histoires d’un collectif fonctionnent aussi bien. Cet album faisait partie de la sélection officielle pour le prix BD alternative 2024.
8 – La collection RVB
La BD numérique, quand c’est bien fait, ça permet plein de jeux formels et narratifs intéressants : des zooms, des arborescences, des cases immenses à explorer sans fin… Mais me direz-vous, il n’y a pas là de quoi satisfaire les fétichistes de l’objet qui aiment empiler du papier sur leurs étagères. C’est là que la Collection RVB, maison d’édition associative entièrement dédiée à la bande dessinée numérique, a eu l’idée de créer de jolies pochettes ressemblant à des 45 tours et contenant des dessins et autres surprises. Chacune de leurs BD numériques est ainsi matérialisée.
9 – La BD canadienne
La BD canadienne était à l’honneur cette année, avec une exposition devant l’hôtel de ville, un pavillon dédié, et même un food-truck de poutine (les frites au fromage, pas l’autocrate).
Je n’ai pas poussé l’exploration très loin, mais il y avait des Canadiens partout et j’ai trouvé ça réjouissant.
Du coup pour fêter ça j’ai fait l’acquisition d’un hors-série de la revue Planches, qui réunit la fine fleur de la BD québécoise.
10 – Les musées angoumoisins
A Angoulême, il y a le festival la dernière semaine de janvier. Mais il y a aussi des choses à voir en dehors du festival. Certaines expositions de bande dessinée sont prolongées au-delà du FIBD proprement dit. La cité internationale de la bande dessinée en propose aussi en-dehors de ce temps fort.
Jusqu’au 10 novembre 2024, on peut y découvrir Croquez !, une savoureuse exposition sur les liens unissant BD et plaisirs culinaires, à laquelle on peut juste reprocher d’être trop longue (mais il était difficile de ne pas l’être vu l’ampleur du sujet).
Jusqu’au 5 mai, François Bourgeon et la traversée des mondes parcourt l’œuvre de l’auteur des Passagers du vent et permet de voir notamment la précision de son travail de documentation, allant jusqu’à la réalisation de maquettes ultra-détaillées.
Enfin, les expositions temporaires au Musée d’Angoulême sont aussi l’occasion de flâner à travers ses collections permanentes, riches et diverses, avec notamment une très belle section paléontologique à l’entrée. |