La parution d'un nouvel album de Grandaddy est toujours un moment attendu. Et celui là davantage encore, car il marque la fin de ce groupe qui, en 14 ans, a su tranquillement imprimer son empreinte dans le monde rock indé US.
Annoncée officiellement en début d'année, la dissolution du groupe Grandaddy intervient au moment de la parution de leur cinquième album Just Like The Fambly Cat. Une lassitude de la vie en groupe et de ses contraintes ainsi que des problèmes financiers seraient les raisons de cette séparation.
Ainsi, et, puisque la décision avait été officieusement prise aux trois quarts des sessions d'enregistrement, cet opus a pratiquement valeur d'album posthume, véritable chant du cygne du groupe.
Du coup on en attendait beaucoup, trop peut-être. L'album ne déçoit pas intrinsèquement et il marque même, après le beau mais quelque peu plat opus précédent Sumday, un retour plutôt heureux vers l'éclectisme des débuts. Mais Grandaddy fait du Grandaddy et le problème est justement là. Ce qui nous enthousiasmait lors des premiers albums nous lasse peu à peu.
Mené par Jason Lytle, le quintet avait su imposer, dès ses débuts, un style propre, mélange de folk, rock et de bidouillages électroniques. Avec leur deuxième album Under the western freeway, les californiens avaient démontré un sens mélodique et un éclectisme qui s'était affiné et canalisé dans The sophtware slump, qui reste à ce jour leur meilleur album.
Dans Just Like The Fambly Cat, les qualités mélodiques sont toujours là et le chant de Jason irrémédiablement sur le fil. Des arrangements peaufinés et complexes, mais toujours accessibles, aux bidouillages électroniques et autres synthés déglingués, Grandaddy donne à voir son univers.
Et puisque cet album fait office de conclusion on y retrouve une variété qui faisait défaut à l'album précédent.
L'album s'ouvre sur "What happened", un instrumental piano accompagné de voix enfantine (symbole de pureté pour Jason !?) il faut bien dire un peu déconcertant. Mais le morceau suivant, "Jeez Louise" remet les choses à leur place et impose un rythme rock aux guitares saturées, ce qui est de la meilleure augure.
Ensuite, variant les plaisirs, suivent des ballades pop ("Summer it's gone", "Where I'm anymore") qui tirent parfois sur le folk ("Guide Down Denied", "Campershell Dreams") et des instrumentaux (pas vraiment utiles !) ("Oxygen - Aus send", "Skateboarding saves me twice"). Et alors que la pop s'énerve ("Rear new mirror") pour flirter avec les limites du punk (50%), l'aérien et le bidouillage ("The animal world") refait surface.
"Shangri-la outra" qui termine l'album est un véritable chant d'adieu où la voix, pleine de lyrisme, de Jason est immergée dans la musique. Il s'agit en fait d'une reprise d'Electric Light Orchestra, influence incontestable du leader du groupe. Le sens de la chanson a été détourné et il conclut sa chanson (et donc l'album, et donc l'aventure Grandaddy ... ce qui fait pas mal de choses !) sur ces paroles empreintes nostalgie (ou pas !) : "I never return to Shangri-La"*.
Un album inventaire donc, qui s'inscrivant dans une continuité (de haut niveau) ne réinvente pas leur style, mais continue d'exploiter le filon. Un disque cependant indispensable pour les amateurs du groupe, et une bonne entrée en matière pour les autres.
Souhaitons cependant que Jason Lytle, qui au passage a laissé tomber la barbe (sûrement signe d'un nouveau départ, cf. "la psychologie pour les nuls"), réussisse à s'extirper de son carcan musical et mette son immense talent pour évoluer, on n'en doute pas, dans sa très prochaine carrière solo.
* Shangri-La est le nom d'un lieu imaginaire décrit dans le roman "Horizons perdus" écrit par James Hilton en 1933 . On parle dans ce livre d'un lieu fermé aux extrémités occidentales de l'Himalaya et dans lequel l'on voit de merveilleux paysages, le temps est détendu dans une atmosphère de paix et tranquillité. |