Spectacle de la compagnie Pardès Rimonim, écrit et mis en scène par Bertrand Sinapi avec Amandine Truffy, Katharina Bihler et Bryan Polach.
La compagnie transfrontalière Pardès Rimonim basée en Lorraine depuis plus d'une dizaine d'années et composée de membres français, allemands et luxembourgeois a choisi de s'emparer du thème de l'exil.
Après un travail de collectage auprès de réfugiés, de travailleurs sociaux et d'anonymes, elle a crée "Après les ruines", spectacle pluridisciplinaire qui conte le parcours d'un réfugié ordinaire confronté aux conditions d'accueil dans une Europe qui se referme sur elle-même.
C'est ce cauchemar dans lequel rentre le spectateur qui s'identifie à cet homme qui doit se faire comprendre dans une langue inconnue (ici l'allemand pour celui qui s'exprime en français) et atterrit dans un univers kafkaïen.
Dirigé efficacement par Bertrand Sinapi, "Après les ruines" est un travail indiscutablement singulier et sincère. Une ambiance très particulière s'en dégage, due à la forme hybride mi-documentaire, mi fable qui montre le parcours semé d'embûches des demandeurs d'asile, laissant en suspens des destins humains qui sont jugés sur le récit de leur exil pour pouvoire prétendre à une quelconque aide. Et doivent vivre à nouveau après le cauchemar du voyage, un cauchemar administratif.
Un spectacle prenant où les silences ne cessent d'être interrogateurs, où alternant séquences de calme et de chaos, avec l'appui du musicien Stefan Scheib impressionnant à la contrebasse dont l'archet ne cesse de vriller les cordes avec lenteur, s'installe une angoisse sourde et inhumaine.
L'éclairage minimaliste fait de spots crée une ambiance aussi tamisée que contrastée dont les ombres grossissent peu à peu autour de la scénographie ingénieuse de Goury qui donne à ce conte l'atmosphère d'un rêve étrange.
Sur scène, les quatre artistes sont d'une présence exemplaire. Amandine Truffy transmet une émotion poignante, Bryan Polach donne un désespoir sourd à ce personnage en quête d'intégration. Enfin, Katharina Bihler, qui interprète de façon magnifique un extrait du "Roi des aulnes" de Schubert est également très convaincante.
Un travail toujours en mouvement comme ces vies ballotées. Un travail éloquent pour dire la difficulté et l'inconfort du déracinement...
Une proposition aussi pertinente que profondément saisissante.
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