Un directeur de "label" déchirant le cellophane : "Tiens, encore un projet solo d'artiste sur le déclin… Comment elle s'appelle déjà cette nana…Pas la nana de l'ancien groupe de Trip-Hop ? Je peux pas signer ça, c'est plus assez bankable, la fille peux plus être markétée de toute façon…L'ancienne chanteuse de Morcheeba tu dis ? Oui bof…Mis à part Unfinished Sympathy de toute façon, ils ont jamais cassé la baraque..."
Oui, Skye Edwards est l'ancienne chanteuse de Morcheeba, exitée from the groupe pour raisons obscures. Trop de charisme ou de talent sans doute.
Et depuis Morcheeba remplit les bacs à soldes, un peu comme la House et la Techno auparavant. Massive Attack publie un Best-Of, Portishead a depuis longtemps creusé sa tombe... Le moment idéal pour tourner la page, se renouveler et changer de peau. Sans changer la voix.
Tel était le pari de Skye en ces temps incertains. Publier un album solo comme on dit, pour exprimer ce qu'on est, ce qu'on vit, toutes ces années dans l'ombre d'un groupe à succès avec quelques perles intemporelles, de The sea à Trigger Hippie.
Cet album, quel est il ? Un condensé d'amour un brin surproduit sur Love show , une voix noyé sous les couches de cordes et de nappes, et pourtant…Voix intacte qui fait dresser les poils comme d'autres les mains, voix entre le cristal et l'étincelle. Skye prouve ici que le talent est resté le même en dehors des sunlights, recentrant ses mélodies sur la pop, en enlevant le préfixe trip.
Etonnamment conçu en tonalité mineures, Mind how you go s'avère être plus nostalgique que l'ensemble de l'œuvre de Morcheeba, pour prendre un référent. Supplée par le toujours excellent Daniel Lanois sur la moitié des compositions, Skye semble enfin libérée et sortir des boites à chaussures dans lesquelles on l'enfermerait bien.
Preuve en est le sublime "Solitary" et ses bidouillages ethniques enchaînés à un pur moment d'acoustique innocent. Beau. Simple. Comme si la voix de Skye gravissait une montagne pour se jeter dans le vide, sans filets ni parachute.
Des histoires du quotidien, qu'on imagine banales, mais chantées avec le cœur. Bien l'essentiel en fait…Au delà des quelques ratés dans le moteur, le pseudo world "What's wrong with me", qui tarde à décoller vers des sphères plus élevées.
Plus belle que jamais dans sa robe satinée en mineure, Skye éblouit définitivement sur "All my promises", quatre minutes de pur spleen anglais, la tête dans la grisaille londonienne, jour de pluie et regard à travers la vitre du subway….Modernes et intemporels, les violons qu'on imagine orchestrés par Lanois donnent à la chanson une dimension tragique qu'on ignorait possible chez Skye. Porte bien son nom celle-là… Changement de lumière avec le très bien nommé "Powerful", lumineux comme une porte qui s'ouvre, pouvant même faire penser à Seal, dans le sens positif du terme j'entends….Choeurs parfaits, violons qui glissent sur la voix, doux nectar à boire à jeun.
On sous-estime souvent le talent des chanteuses, réduites à des bimbos botoxées sans cerveau. C'est hélas souvent la tradition. Et puis il y a Skye. Et son Mind how you go, littéralement "Fais attention où tu mets les pieds".
Skye, elle, n'a pas à s'inquiéter.
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