Domaine national du Palais-Royal
(Paris) du 16 août au 7 septembre 2024
Texte de William Shakespeare adapté et mis en espace par Léonard Matton avec Marjorie Dubus, Thomas Gendronneau, Mathias Marty, Jacques Poix-Terrier, Roch-Antoine Albaladéjo, Zazie Delem, Jérôme Ragon, Maxime Chartier, Justine Marçais, Camille Delpech, David Legras, Laurent Labruyère, Drys Penthier, Jean-Loup Horwitz, Dominique Bastien, Jean-Baptiste Barbier-Arribe, Thalie Amossé, Floriane Delahousse, Carla Girod et Maelys Simbozel.
Tout commence par un cérémonial singulier : en échange de son téléphone portable qui sera conservé toute la durée du spectacle, chacun se voit offrir un masque de carnaval : argenté, doré ou encore noir. Puis il pénètre dans l'espace de jeu, clos pour l'occasion.
Nous sommes à Vienne au dix-septième siècle et la ville est envahie par une épidémie de peste. Le duc de Vienne, Vicentio, devant quitter la ville pour une mission diplomatique laisse le gouvernement à Angelo. Mais en réalité, le duc se déguise en prêtre pour observer. Dès son arrivée, Angelo se montre strict notamment en matière de moeurs.
Jeanne, une novice ira voir Angelo afin de plaider la cause de son frère, condamné à mort pour avoir eu une liaison hors mariage, même si elle désapprouve sa conduite. Mais Angelo conquis par la jeune fille voudra échanger la grâce de Claudio contre une nuit avec Isabelle.
C'est le point de départ de la pièce mais des dizaines d'autres intrigues la parcourent. Une pièce dont les thèmes résonnent étrangement avec notre époque, que ce soit en ce qui concerne la pandémie mais aussi la politique ou le patriarcat.
Tandis que des musiciens basés dans la zone du cabaret au centre rythment le spectacle, chaque groupe de spectateurs suit le comédien correspondant à sa couleur de masque. Aux quatre coins du domaine, démarrera en même temps une scène différente d'exposition permettant de comprendre les grandes lignes de l'histoire. A partir de cette première scène, chaque spectateur sera libre de se déplacer où bon lui semble.
Evoluant autour des colonnes bicolores de Buren au centre de la dalle mais aussi devant et sous celles, plus classiques du Palais, les comédiens par petits groupes jouent simultanément plusieurs parties de la trame. Et le public de choisir celle qu'il veut suivre, quitte à en changer en cours de route...
Dans ce dispositif immersif, le spectateur est actif. Plus encore qu'en salle car à l'instar d'un réalisateur de cinéma, il peut se déplacer, choisir l'ordre des scènes et son angle de vue pour chacune d'elles : la proximité des comédiens ou le plan large, etc. Des courses-poursuites s'engageront alors entre des spectateurs et des comédiens s'élançant d'un décor à un autre : de la chapelle à la prison ou au palais.
Le groupe de comédiens épatant porte avec maestria cette adaptation de Mesure pour mesure de William Shakespeare que Léonard Matton après Helsingborg a conçue : baignant dans une poésie permanente et bénéficiant de la magnificence de l'exceptionnel cadre. Voir le ballet des nuages noirs au-dessus des comédiens lors de la scène tragique entre Isabelle rendant visite à son frère au cachot, par exemple, vaut toutes les scénographies du monde et confère à l'ensemble une beauté inoubliable.
Isabelle est interprétée par la bouleversante Marjorie Dubus qui, avec une puissance phénoménale et un engagement de tous les instants, tout comme le reste de la distribution, porte ce spectacle flamboyant avec passion. Elle est extraordinaire.
La nuit tombe. Les lanternes commencent à éclairer les échanges et les ombres portées donnent encore un peu plus de dimension aux dernières scènes dont la scène finale mémorable, avec notamment l'excellente Camille Delpech, qui termine en apothéose ce travail magnifique.
Le Fléau - Mesure pour mesure par la Compagnie Léonard Matton est un spectacle surprenant à tout moment, comme ce que devrait toujours être le théâtre. Et quel meilleur moyen d'aborder la représentation théâtrale pour un public pas forcément initié ?
Une très belle expérience à vivre pour tous !
Nicolas Arnstam
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