Rita Strohl : Volume 3, Musique orchestrale
(Palazzetto Bru Zane / La Boîte à Pépites / Elles Women Composers) septembre 2024
"Mme Strohl est une compositrice géniale qui excelle surtout dans l’adaptation musicale des plus jolis poèmes." (La Nation, 26 février 1903)
Saluons chaleureusement la volonté intangible de rendre audible, et de fort belle manière (dans l’interprétation naturellement comme dans le choix éditorial (on n’enregistre pas tout et n’importe quoi)), tout un pan de musiques, d’œuvres, de compositeurs, de compositrices délaissées, oubliées, disparues (Jeanne Leleu, Charlotte Sohy, Louise Bertin, Benjamin Godard, Félicien David, Charles Lecocq, Reynaldo Hahn, André Messager, Marie Jaëll...) des labels La boîte à pépites et Palazzetto Bru Zane associés ici. Après s’être attaché à la musique vocale et à la musique de chambre, ce troisième volume se concentre sur la musique orchestrale (Symphonie de la forêt, Les cygnes, La flûte de pan, La Momie, La cloche fêlée et Yajnavalkya) de Rita Strohl.
Étonnant (fascinant) personnage que cette compositrice née en 1865 à Lorient qui étudiera la composition au Conservatoire de Paris, mais, qui trouvant les cours trop ennuyeux étudiera en privé avec Adrien Barthe. Indépendante, déterminée, elle composera beaucoup : d’abord des œuvres de musique de chambre, puis vocales, et finalement de grandes œuvres symphoniques. Elle rencontre au début du XXème siècle Richard Burgsthal (de son vrai nom René Billa) musicien, artiste et maître verrier qu’elle épouse en 1908. Ensemble, ils imaginent la création d’un "petit Bayreuth" dans l’Essonne qui lui permettra de faire jouer ses grandes fresques lyriques souvent marquées par le symbolisme, par une certaine spiritualité, illustrant de grands mythes chrétiens, hindous ou celtiques. Un projet contrarié par son divorce avec Burgsthal.
Un tempérament que l’on retrouve dans sa musique, jugée souvent trop audacieuse à son époque (surtout pour sa musique symphonique). On y retrouve un sens des couleurs, du mariage des timbres, de l’harmonie (son langage ne cessera d’évoluer jusqu’à l’utilisation de la gamme à 6 tons notamment dans la Symphonie de la forêt louvoyant parfois vers le Wagnérisme ou une sorte d’impressionnisme) et des contrastes.
Il y a dans sa musique une ferveur, une fièvre presque, une sorte d’efficacité émotionnelle, en tout cas une sensibilité exacerbée, moins romantique dans ses œuvres symphoniques.
Quel bonheur de pouvoir écouter cette musique et dans ces conditions !