Seule en scène de et avec Luce Mouchel, mis en scène par Xavier Maurel.
Faire semblant d'être moi est une pièce kaleidoscopique. En suivant l'évolution narrative de la jeune Lulu, de ses 5 ans à ses 18 ans, on suit une enfant qui tente de décrypter le fonctionnement du monde et de sa famille, son premier cercle intime, au regard de ses analyses et de sa vision à hauteur de petite fille.
Chacun de ses souvenirs se réfléchit sur un fragment de vie, et produit une combinaison de questionnements et de possibles.
Tout commence par un simple fait divers, un accident de la route dont les conséquences vont se répercuter sur plusieurs années.
Un épisode caché, qui se transmettra indirectement aux membres d'une même famille, par traumatisme interposé. Petite Lulu grandit sous nos yeux, se métamorphose, se déploie, jusqu'à la découverte du théâtre, qui sera le révélateur le plus important de sa vie.
"J'aurais pu ne jamais exister, être tout le temps morte" est une phrase que prononce la petite fille, quand elle prend conscience de ce qui, chez les personnages qui l'entourent, les ancrent dans une solitude mortifère ou les déploient vers ce qui les anime.
La pièce est brillamment écrite, les propos de la petite fille sont empreints de poésie et de fulgurances. Le texte est plein de trouvailles et d'un charme touchant, et chamboule nos propres souvenirs, à l'image de ce ballon qui traverse la scène par moments.
On rit de bon coeur devant les tics corporels des divers membres de la famille qu'elle incarne tour à tour, cette mère dépassée, ce père rassurant au caractère monolithique, ce grand frère complice et cette grande soeur rebelle un peu perchée. L'humour est omniprésent, même s'il cache souvent d'autres émotions. La comédienne n'hésite pas à piocher dans une large palette de sentiments pour ressusciter les épisodes de l'enfance, et son jeu est saisissant.
Luce Mouchel incarne son personnage avec autant de fièvre que de délicatesse, alternant jeu scénique et jeu musical au clavier. Les expressions utilisées pour décrire le monde de la petite Luce (dernière d'une famille de trois enfants, mais plus pour très longtemps) sont d'une tendresse et d'une inventivité attachantes, à l'image d'un Prévert ou d'un Queneau, dont on imagine Luce Mouchel lectrice.
Son corps tout entier joue les confins de l'enfance et les contorsions nécessaires pour habiter un espace où la vie est parfois contrainte. Sylphide à la souplesse juvénile, Luce Mouchel occupe l'espace de la plus gracieuse des façons.
La mise en scène est créative et met en dynamique la vie de cette enfant, on suit Lulu aux quatre coins de la scène comme on imagine les idées fuser dans sa petite tête.
Les quatre chaises sur la scène forment le décor avec inventivité.
Subtiles aussi sont les projections vidéos qui illustrent le voyage vers des espaces du passé, voire oniriques.
Luce Mouchel fait partie de ces comédiennes dont tout le monde connaît le visage, elle occupe les plateaux et les scènes françaises depuis plusieurs années. Avec cette pièce, dont elle est l'auteure et l'unique comédienne, elle nous livre, de la plus jolie façon, un numéro éblouissant.
On revit les années 70 et 80 à travers les yeux de cette petite fille qui deviendra la comédienne que l'on connaît aujourd'hui, celle qui envahit de manière si percutante la scène du théâtre de la Flèche et surtout, nos mémoires.
Cette pièce de Luce Mouchel, c'est un peu comme la tarte aux pommes de notre enfance.
On est triste quand il n'y en a plus.
Allez rencontrer Lulu au théâtre La Flèche !
Vous en sortirez émus et ravis !
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