"J'abandonne mon corps, je le laisse au vestiaire,
Sur un cintre, habillé comme un vague manteau,
Bien sûr accompagné de ma tête à chapeau
Et je plonge à nouveau dans l'étrange bestiaire
Où, tranquille, m'attend le futur animal
Que je serai     à moins qu'ailleurs ne m'orientent
Les vents de l'Au-delà : au royaume des plantes
Ou vers plus calme encor, le règne minéral". (Karma D’anche, Didier Malherbe)

Voilà un disque extraordinaire. Dans le sens qu’il sort du commun, qu’il suscite par sa singularité la surprise, l’étonnement et par sa beauté l’admiration.

On n’entre pas dans ce disque, qui rassemble les débuts (Le bal des oiseaux (1996)) et la fin (Le concile des oiseaux, 2024) du duo (30 ans de carrière, une dizaine de disques, en duo ou trio avec le percussionniste Steve Shehan), comme dans un moulin, mais comme dans un grand et magnifique jardin.

Dans ce territoire, qui n’appartient qu’à eux, cartographes de l’imaginaire, ouverts à la poésie, à l’harmonie, un hymne à la nature, une organologie rare. C’est la mise en vibrations des instruments de Didier Malherbe (Gong, Faton Bloom…) et Loy Ehrlich (Crium Delirium, West African Cosmos, Touré Kunda, Youssou N’Dour…) : doudouk, ocarinas, khaen, flûtes, soprano, clarinette bambou, guimbarde, hajouj, awicha, kora, ribab…

On est ici la croisée des sentiers qui mènent aux musiques du monde, au jazz, à l’écoute de l’Occident, de l’Orient, de l’Afrique, des plateaux arméniens à l’Afrique subsaharienne. L’auditeur se fait nomade, oublie les frontières, se débarrasse de la grammaire et du vocabulaire, marque une pause salvatrice, rêve, ouvre ses oreilles et son esprit. Magnifique.