Depuis 16 ans, l'association Aix'qui? organise en PACA la promotion des musiques actuelles et le soutien des jeunes talents émergents. Avec les Class'Rock, tout d'abord, elle propose un véritable tremplin musical destiné aux toutes jeunes formations. Avec les Class'Eurock, elle accompagne d'autres groupes, à peine plus expérimentés, à travers l'Europe. Par son partenariat avec d'autres associations européennes, qui mènent un travail comparable en terme de promotion, elle permet enfin de faire connaître de jeunes formations venues d'autres pays.
L'ensemble de cette action a été conclu, comme chaque année, par la mise en place du Festival Class'Eurock à Aix-en-Provence. Jeudi 6 et Vendredi 7 juillet, de 18h à 1h du matin, ce sont donc pas moins de 20 formations qui se sont succédées sur une scène à ciel ouvert, avec pour maître mot l'éclectisme musical, et la volonté d'associer aux formations les moins expérimentées des têtes d'affiches d'envergure régionale ou nationale : Biocide, Gojira, Têtes Raides, Raspigaous et Psy4 de la rime. Froggy 's Delight a eu l'occasion d'assister aux prestations du jeudi.
Tout commence ce soir-là avec les très jeunes allemands de Rolling Caps.
Visiblement impressionnés, mais pas intimidés, très appliqués, les quatre musiciens relèvent le défi d'ouvrir la soirée, devant un public des plus variés, que leur pop rock peut-être trop bon enfant ne parviendra pas réellement à séduire.
Les groupes s'enchaînent ensuite rapidement, chaque formation n'ayant qu'une demi-heure pour faire ses preuves.
Svart Crown, Nereïde, Korakore et Rockfort sont les quatre formations issues des class'rock à se succéder ce soir-là, avec toujours beaucoup de tempérament malgré la jeunesse des musiciens.
Svart Crown proposera ainsi un death métal sans grande originalité, mais avec beaucoup de conviction
Nereïde un ska-punk aux textes idéalistes un brin naïfs,
Korakore un métal hardcore emmené par l'étonnante voix d'une demoiselle que l'on sent déjà à l'aise sur scène,
Rockfort, avec beaucoup de virtuosité et même une certaine maturité, un rock abreuvé aux meilleurs sources du blues et des grandes cuvées woodstockiennes, servies par la voix rauque, impeccable, d'un chanteur-guitariste inspiré.
Puis vient la prestation des italiens de Le muse di franti. Quintet d'un rock complexe oscillant entre une pop-romanesque et des saturations déphasées, la formation, plus expérimentée, souffrira étonnamment de la comparaison avec ses homologues plus jeunes, à l'enthousiasme difficilement égalable.
Une certaine impression d'ennui partagé règne, entre public et musiciens, jusqu'à un final bruitiste qui aurait pu être tout à fait réjouissant s'il n'avait semblé un peu convenu et apprêté.
Skort, groupe gapençais, vient fermer ce soir-là la partie du festival consacrée aux jeunes talents avec son metal torturé et malsain.
La formation a déjà acquis une certaine aisance scénique et se joue volontiers d'un public ravi, emmenée par une chanteuse aux écarts vocaux étonnants, du plus profond d'une voix typiquement hardcore aux aigus entêtants d'une voix de fillette démoniaque, sans transition ni logique.
Après le métal mélodieux et planant de Biocide, groupe local dont le nouvel album, Le syndrome de Meurfy est sorti en décembre dernier, c'est aux véritables têtes d'affiches qu'il va appartenir de clore la soirée.
Et pouvait-on imaginer assortiment plus éclectique que celui du métal écolo-cosmique de Gojira avec le rock-musette poétique et socialement engagé des Têtes Raides ?
Pendant un peu plus d'une heure chacune, ces formations vont se produire devant un public encore nombreux et plutôt jeune. Acclamé par tout une foule d'adolescents manifestement conquis d'avance, Gojira proposera une prestation massive, sans concession, qui satisfait à toutes les exigences du genre : rythme endiablé, matraquage de batterie, cris accompagnés de grimaces, valses complexes des musiciens sur scène, secouage de cheveux, solos de guitares et basses ravageuses.
Les fans, conquis, en redemandent, peu soucieux de l'artificialité de la chose.
Si le métal n'est qu'une comédie, Gojira a livré ce soir-là une mise en scène des plus efficaces, qui confirme le succès montant du quartet dont l'album From Mars to Sirius rencontre un succès assez important. Après une telle débauche d'énergie et d'émotions, on se demande bien comment les Têtes Raides vont pouvoir enchaîner.
Pourtant, c'est sans aucune difficulté que les hommes en noir de Christian Olivier séduisent l'auditoire.
Avec une simplicité qui tranche soudainement avec toute l'affectation des groupes précédents.
Parfaitement à l'aise dans un répertoire qui, mêlant les nouveaux titres (ceux de Fragile, le dernier album, ou de Qu'est-ce qu'on s'fait chier, l'opus précédent) aux compositions plus anciennes (les emblématiques "Gino" et "Ginette", devenu incontournables), sait rester très homogène, les Têtes Raides savent aussi se réapproprier ces duos qui parsèment leurs albums (De Kracht et l'emblématique "L'identité") ; mais ils savent surtout émerveiller un public, le faire rêver - tout en le rappelant de temps en temps à la réalité, le temps d'un monologue revendicatif. Le lendemain, à côté des Raspigous et des Psy4 de la rime, les têtes d'affiches, ce sont les groupes Paradox, Harmonic generator, The Sludge et Grande instance qui devaient se produire dans le cadre des class'rock, Nuisible et Bionic man sound pour les class'Eurock, Hansder kleingärtner (Allemagne) et No T'Hi Matis (Espagne) pour les invitations étrangères.
Sans avoir pu assister à cette soirée, on peut parier que la diversité musicale, toujours au rendez-vous du programme de ce festival, aura su s'habiller d'un véritable esprit d'ouverture, de tolérance et de curiosité, qui font tout le succès de ce type de soirée.
Ne serait-ce d'ailleurs pas le véritable trait de génie de l'association Aix'qui, d'avoir su décliner la découverte musicale en découverte de l'autre, en rencontre des différences et en véritable partage, des inspirations comme des savoirs-faire ?
On ne peut en tout cas qu'espérer que l'entreprise, qui avec cette 16èmè édition se trouve avoir l'âge de nombre de ses participants, vive encore longtemps. |