Depuis le temps que les Louise Attaque jouent ensemble, depuis le temps qu'ils traînent de scène en scène, sans prétention, leur statut d'éternel petit groupe gigantesque de la grande petite nouvelle scène française, j'avais bien peur, en acceptant l'invitation à venir les découvrir sur scène, de me gourer gravement, dans l'heure et dans la saison, mais surtout sur mes espérances.
La fraîcheur admirable du quatuor avait-elle réellement pu résister au succès ? Entendues et réentendues, jusqu'à l'usure peut-être, leurs compositions, devenues de véritables hymnes pour des générations de nouvelles générations de jeunes couraient en effet le risque de sonner horriblement trop déjà entendues.
Pourtant, l'esprit est toujours là. L'esprit de famille, tout d'abord. Parce que si Louise Attaque sait s'entourer, inviter de jeunes talents pour ouvrir ses concerts, ce n'est pas à la façon du mécène anonyme, bienfaiteur ne connaissant qu'à peine son protégé.
La première partie, ce 17 juillet, dans la magnifique cour du château de l'Empéri de Salon de Provence, était assurée par le groupe Tétard.
A la basse, un certain Pierre Dubost, bassiste de Tarmac, le groupe qu'avaient formé Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel pendant le stand-by de Louise Attaque. David lui-même, la voix et l'âme de Tétard, à qui il donne son nom de famille, a été guitariste pour Ali Dragon, l'autre groupe issu de Louise Attaque, emmené par Alexandre Margraf et Robin Feix. On reste donc entre gens de bonne compagnie.
Musicalement, Tétard c'est une chanson française gaie, envolée, légère, qui passe pas mal de temps à raconter l'amour triste, avec une plume assez adroite et une voix qui fera songer assez nettement à Miossec.
Les textes, adroits, malins, font assez souvent songer à l'esprit Louise Attaque, passé à la moulinette d'une culture gainsbardienne. Avec une complicité visible, le groupe défend ses couleurs avec brio et énergie, sans prétention et conquiert semble-t-il les faveurs d'un public nombreux.
Quand entrent en scène les Louise Attaque, on constate rapidement qu'ils ont su conserver cette simplicité et cette intelligence pétillante qui transpirent jusque dans leur musique et les rendent si sympathiques.
À leurs sourires, qui trahissent le plaisir évident de se trouver sur scène ; à leur entrain ; à leur amusement sans affectation quand ils doivent interrompre puis recommencer leur premier morceau, La Plume, parce que le chanteur a raté un couplet ; à la façon dont ils savent être complices avec tout le public dans cette maladresse. Bien entendu, le temps est loin où le groupe, dont le nom inconnu semblait encore bizarre, écumait les MJC, l'imposante scène et l'arsenal d'éclairages en attestent. Pourtant l'essentiel n'a pas changé : Louise Attaque, c'est avant tout quatre amis, qui partagent jusque sur scène le plaisir de faire de la musique ensemble.
Leurs façons de se regarder, de se chercher, de s'approcher les uns des autres, de sourire à quelque espièglerie mystérieuse, de se regrouper autour du batteur, confinent à la communion et ont quelque chose d'authentique et de beau, de contagieux.
Musicalement, le groupe alterne sans grande surprise les succès des albums précédents ("La Plume", "Ton invitation", "J't'emmène au Vent", "Amours") et les titres de son dernier album, A plus tard crocodile (Atmosphériques, 2005).
Les sonorités gagnent quelque peu en ampleur et en puissance sur scène et le quatuor est manifestement très à l'aise dans l'exercice, n'hésitant pas à rallonger ses titres d'un long final instrumental ou d'une intro de basse entraînante (le grandiose "Arrache moi" du premier album).
Tantôt ludique ("Léa", en simple visite dans la région PACA ), tantôt grave, tantôt onirique ("La valse", titre du dernier album, tout en ampleur et en légèreté, Arnaud au piano, les voix d'Arnaud et Alexandre noyées d'effets), lente ou rapide, la musique de Louise Attaque joue de toutes ses nuances et enchante un public qui, pour avoir été conquis d'avance n'en est pas moins ravi de (re)découvrir sur scène un groupe qui a su préserver toute sa nouveauté, prêt de dix ans après ses débuts - et certainement faut-il en cela reconnaître tout le bien-fondé de la "séparation" temporaire de la formation, qui lui a permis de prendre sur son propre succès un recul salutaire, de rester, surtout, engagé dans un processus artistique, de conserver toute sa créativité.
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