Roman d’Henry de Montherlant mis en lecture par Nicole Gros avec Karine Laleu, Pauline de Meurville et Nicole Gros.
Nicole Gros, actuellement à l’affiche du Théâtre des 5 Diamants avec Les liaisons dangereuses dont elle a assuré la mise en scène, met en lecture Les jeunes filles dans le cadre du cycle Montherlant du Théâtre du Nord-Ouest.
Ce qui paraît à la fois évident et surprenant. Evident puisque le point commun est sans doute le fait que les deux œuvres contiennent de beaux portraits de femme et que Costals est, d’une certaine manière, l’avatar contemporain de Valmont, mais surprenant puisque, ainsi qu’elle nous le confiait dans une interview, Montherlant n’était pas un auteur qu’elle affectionnait.
Cela étant, Nicole Gros a élaboré une très intelligente mise en perspective du roman "Les jeunes filles" en donnant une vie autonome à Solange Dandillot, la créature de Costals, l’alter ego littéraire d’Henry de Montherlant dont il disait "ma femme de papier et d'encre, mon égérie pour le meilleur et pour le pire".
Elle puise dans ce roman composé de lettres, de coupures de presse, d'extraits de carnets intimes et de passages narratifs pour enquêter sur l’existence et la nature profonde du credo ostensiblement proclamé ce dernier tenant à son amour des femmes à travers le prisme de la mystique Thérèse Pantevin et la naïve Andrée Haquebaut mais également les écrits de Costals la concernant, elle qu’il considère comme la belle sans esprit.
Portraits de femmes qui se dévoilent dans leur lettres et sur lesquelles tombe la sentence de l’homme qui disait aimer les femmes. Mais aussi portrait en creux de Costals, symbolisé par le fauteuil vide sur lequel repose une veste d’intérieur.
Pauline de Meurville possède toute charme gracile et la fraîcheur désarmante pour camper l’amoureuse transie Andrée Haquebaut et Nicole Gros la puissance lyrique pour donner corps à l’extactique Thérèse Pantevin.
Quant à Karine Laleu, magnifique et lumineuse, elle incarne une Solange à la fois piquante et envoûtante. Une belle qui, contrairement au jugement de Castals, n’est pas dénuée d’esprit.
Une réussite et un intéressant travail sous forme, comme le précise Nicole Gros dans sa note d’intention, d’une "lecture subjective qui revêt le caractère, non d’une revendication féministe, mais d’une fantaisie sans prétention" encore qu’il s’agisse, avec la mise en espace, d’un travail plus avancé qu’une simple lecture.
Sans prétention peut être mais non dénué d’intérêt car elle permet non seulement une belle introduction à ce cycle Montherlant mais également de tracer un portrait de l’homme et de l’auteur.
"D'ailleurs, si ignorant de la nature féminine que vous me considériez, il semble pourtant que mes portraits soient cruellement justes; nombre de femmes en ont convenu dans une enquête menée par le magazine «Les Nouvelles Littéraires» d'août 1936, auquel je vous renvoie. De plus, d'autres femmes de mes relations ont cru, bien à tort, se reconnaître dans mes héroïnes et ont fait bien du tapage à ce sujet! Mon ambition est donc pleinement atteinte, qui désirait montrer la femme telle qu'elle est, et non à travers l'idéalisation forcenée et criminelle que nous connaissons. " Henry de Montherlant
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