L'avantage des étiquettes, dans la fringue comme ailleurs, est qu'on peut les couper ou les afficher clairement. Fièrement. Les étiquettes passent au lavage, y survivent, perdent leurs couleurs, selon le jeu du hasard; la fibre se resserre ou s'élargit, au gré du moteur de la machine.
Et le Trip-hop n'est qu'une étiquette de plus. Usée et vintage pour certains, en plein renouveau pour d'autres, inutile l'étiquette pour Tara King Theory quoi qu'il arrive, tant la beauté des mélodies de A sigh of relief laisse pantois, flirtant entre le romantisme et l'intimité d'un dimanche sous la couverture.
Ou sur les routes, car Tara King, dont le nom est directement inspiré de "Chapeau melon et bottes de cuir", propose avec ses acoustic recordings de
bien belles versions épurées. Oui, donc oui, Tara King est catalogué comme d'autres dans la catégorie Trip-Hop, alors que selon toute vraisemblance c'est plutôt du coté de l'indé français, voire Belge, qu'il faudrait regarder.
Ecouter plutôt. Entendre, sûrement. Se prendre "Am I easy to forget" comme un obus dans le péritoine, et comprendre que les compositions du groupe Lyonnais se démarquent de la production actuelle.
Retour aux claviers électroniques, Fender Rhodes en avant, pour une musique sans artifice rappelant sur "Am I easy to forget" la fragilité de Beth Gibbons et Portishead, avec cela dit la plus value d'un vrai groupe instrumental derrière. Qui bastonne aux fûts, même en acoustique. Et soutient parfaitement le chant de Béatrice, discrètement, comme un drap pour tenir chaud au pied une nuit de juillet.
Et puis il y a comme tous les albums matures la chanson qui use la platine, repassée encore et encore, jusqu'à l'écoeurement. "It's hard to be a cat", interprétation de "La métamorphose de Mister Chat" de Dyonisos, avec un lyrisme et une voix pure. Si les suites d'accords rappellent sans nul doute la folie de Mathias Malzieu, Tara King lave plus blanc que blanc et s'approprie la création en moins de temps qu'il n'en faut pour l'aimer.
Et l'on persiste à penser que la force du groupe réside dans l'utilisation parcimonieuse et omniprésente du piano sous toutes ses formes, en up & down (le sombre "A sigh of relief") qui pour le coup rappellera aux plus grands fan la douce folie de Sébastien Tellier sur son album acoustique Sessions. Une manière de voir le monde à travers le filtre personnel de l'artistique, fait de couleurs et de noir.
L'étiquette ne tiendra plus, c'est sûr maintenant. La theory de Tara King fonctionne à merveille en acoustique et aborde trop de styles pour être consensuel ou mono-tone. Quitte à regarder par dessus l'épaule de Groove Armada sur "Brand new key" avec son clavier soul et chaud. Protools n'a sûrement pas dû passer par là, tant l'impression de prises directes se fait sentir.
En conclusion de son road-music, Tara King lâche tout et jette un "There are still things to gaze at" comme une bouteille à la mer. Une chanson sans retour et pourtant pleine d'espoir, qui aurait parfaitement pu figurer sur le merveilleux premier album de Tellier, L'incroyable vérité. Cette grandiloquence, ce sentiment collant de faux bonheur torturé à la scie, ces claviers qui n'en finissent pas, du toy piano juste derrière, et ce chant monacal sur la gauche, non c'est l'orgue qui attaque.........
Alors non, Tara King n'est pas trip-hop, juste trip-pot-pourri. Ou trip-pop, tout justement. |