Katerine, sempiternellement qualifié de dandy-chanteur extraterrestre oeuvrant dans la chanson française dite décalée, on aime ou on n’aime pas.
Mais après l’avoir vu, et entendu, sur scène dans un de ses concerts décoiffants - d'où la petite barrette dans les cheveux ( ?) - qui relèvent plus de la performance que du show avec son nouvel album Robots après tout épaulé par la Secte Machine, un avatar des ex-Little Rabbits, il faut bien reconnaître que Katerine on adô-ooooooooooore !
Robots après tout, pochette warholienne tignasse latine en moins, est un album électro kitsch profondément jubilatoire en la forme, oscillant entre hyper réalisme et surréalisme, et profondément noir au fond, d’où une jubilation nerveuse pour masquer une certaine angoisse -– l’album s’achève parle le très flippant "11 septembre" - et 14 chansons "borderline" qui sont autant de délires textuels mises en musique par Katerine, lui-même aux machines, et le duo incontournable du moment Gonzales aux claviers et Renaud Letang à la production.
14 chansons qui piochent dans tous les registres musicaux : les sixties "Numéros", les années 80 avec "100% VIP" qui rappelle autant "Où sont les femmes ?" de Patrick Juvet que "Saturday night fever" des Bee Gees, la disco-house de "Louxor j’adore", le jazz funk de "Le train de 19 heures" et autres.
Côté textes, Katerine, qui indique avoir été inspiré par Raymond Roussel écrivain, auteur nomade qui voyageait dans sa Rolls Royce spécialement aménagée en mobile home de luxe, précurseur des surréalistes, et pratiquait une écriture imaginaire complexe, notamment basée sur l'homophonie, la déconstruction du langage et le double sens, a procédé par association de mots, un mot donnant une idée et réciproquement, créant ainsi une chaîne de micro-événements, une anecdote, une histoire à partir des obsessions propres de leur auteur, un peu comme le procédé psychanalytique d’association de mots.
Cela donne des chansons que l’on pourrait qualifier d’excentriques au sens où Charles Nodier entendait l’excentricité comme une facture "hors de toutes les règles communes de la composition et du style, et dont il est impossible ou très difficile de deviner le but, quand il est arrivé par hasard que l'auteur eut un but en l'écrivant".
Avec sa singulière voix aux accents enfantins, un enfant provocateur et énervant, Katerine distille ses divagations logorrhéiques ("Patati Patata", "Qu’est-ce qu’il a dit ?") et joue au démiurge diabolique ("Le train de 19 heures", "Au Louqsor").
Il poursuit son auto-fiction, son exploration introspective du moi ("Borderline", "Titanic") et du monde à travers la réalité tragique de la vie sociétale appréhendée à partir d’éléments anodins, quotidiens, infimes, standardisés ("Etres humains", "Numéros", "Après moi", "100% VIP").
De quoi alimenter bien des gloses. De quoi aussi penser que Katerine est proche du poète qui parmi, tous ceux qui s’agitent au rythme d’une horloge numérique, a une conscience vive de la mort.
En tout cas, le monde d'aujourd'hui ne ressemble pas au monde rêvé du petit Philippe Katerine ("78 2008"). |