Dans la comédie "Dévorez-moi !" d’Olivier Lejeune actuellement à l’affiche du Théâtre du Gymnase, Jean-Christophe Barc interprète le rôle d’un chef étoilé confronté à un dilemme cornélien - perdre ses étoiles ou cuisiner de la chair humaine - avec une maestria roborative sans esbroufe ni cabotinage.
C’est qu’il connaît la chanson le bougre !
Non seulement il a réellement sévi dans la restauration mais également, auteur, adaptateur, metteur en scène, comédien au théâtre, au cinéma, à la télévision, réalisateur, le bonhomme, cordial, bourré d ‘humour et éminemment sympathique, a exploré bien des registres toujours avec succès.
Mais les projets se bousculent au portillon et, volubile, il est loin d’avoir dit son dernier mot !
Auteur, adaptateur, metteur en scène, comédien au théâtre, au cinéma, à la télévision, réalisateur, vous avez tout essayé, tout fait, tout réussi. Alors comme le critique gastronomique de "Dévorez-moi !" dont le dernier mets à la saveur inconnue est la chair humaine, quel est votre projet ultime ?
Jean-Christophe Barc : Le rêve ultime était de jouer cette pièce car, vous allez rire, car ma première vocation était la restauration. Maître d'hôtel. Cela faisait très longtemps que je voulais jouer le rôle d'un cuistot. Et je me suis même écrit une pièce avec un rôle de cuisinier pour quand j'aurais un peu plus d'âge, environ 55 ans, c'est-à-dire pas pour tout de suite ! (rires). Pour le moment je suis donc un peu jeune pour le rôle mais si d'autres veulent le jouer… Cette année je voulais jouer Cigalon de marcel Pagnol mais le projet ne s'est pas concrétisé. Est arrivé ce rôle dans "Dévorez-moi!" qui m'a fait rire.
Comédien reste le registre dans lequel vous vous éclatez le plus ?
Jean-Christophe Barc : Vous mettez le doigt où il faut…ou où il ne faut pas d'ailleurs…. Enfin de compte, je crois et cela est très prétentieux de le dire, je crois avoir fait le tour du métier de comédien. En ce moment, je m'amuse davantage à écrire ou à mettre en scène. Peut être la quarantaine qui me fait remettre en question. Je voulais explorer cette pièce car cela m'intéressait de voir comment j'allais gérer un rôle dans une pièce de boulevard type que je n'ai pas pratiqué jusqu'à présent puisque j'ai plutôt écrite et joué dans la comédie dite "de café théâtre" qui ne fonctionne pas avec les mêmes ficelles.
Cela me tentait donc et cela a revêtu le caractère d'un vrai exercice car cela n'a pas été facile pour moi. Bizarrement il faut vraiment trouver le rythme propre à la comédie de boulevard et heureusement qu'Olivier Lejeune est aguerri à cette mécanique. Il y a aussi la manière de jouer, de partir dans le personnage et les délires. J'ai donc eu du mal au début car il me fallait sortir de ma coquille et du style café-théâtre. Heureusement que j'avais mes valises et ma technique à l'ancienne car cela aide. Au moins cela donne des bases solides.
Votre présence à l’affiche de "Dévorez-moi !" est une affaire de circonstance ou de famille ?
Jean-Christophe Barc : Je connaissais Olivier Lejeune depuis longtemps mais nous n'avions jamais eu de projet commun. Et cette proposition de rôle est intervenue via les producteurs à un moment où je n'avais pas du tout envie de jouer. J'ai même mis du temps à leur répondre car je n'avais pas envie de jouer l'été. Et puis la pièce m'a plu, l'équipe était sympathique et le rôle m'intéressait. Donc je me suis dit : "Tentons l'aventure !"'.
Avec Olivier Lejeune nous avions évoqué la possibilité d'échanger vos rôles. Qu'en pensez-vous ?
Jean-Christophe Barc : Quand on m'a contacté c'était vraiment pour me proposer le rôle du cuisinier. Olivier Lejeune a effectivement songé à cette permutation mais je me voyais bien dans le cuisinier. Il est clair que je n'aurai pas fait le même personnage que lui qui campe un critique subtil, policé et il a un côté un peu guindé qui sied bien à ce genre de personne et ce qui n'est pas du tout mon registre. Avec ma rondeur, il valait mieux que je joue le cuistot. J'utilise le physique, mon physique que j'assume. Et j'y vais à fond.
Sur votre site web, votre biographie, rédigée par un ami comédien qui vous veut du bien et ne vous trouve aucun défaut, vous dépeint comme un "fort en gueule aux idées tordues toutes les 23 secondes". Vrai ou faux ?
Jean-Christophe Barc : C'est vrai mais dans ce que je fabrique moi-même. Lorsque je suis dans le projet de quelqu'un d'autre je fais ce qu'on me demande. Bien sûr si on me demande des idées je peux en proposer. Je n'ai pas du tout la même démarche car je me fonds dans le projet des autres et du coup le fait d'avoir arrêter de monter mes pièces depuis 2 ans c'est aussi une manière de leur dire que je ne joue pas que dans mes pièces et "Engagez-moi !". C'est presque un appel d'offre !
Vous, comédien, auteur et metteur en scène, vous jouez tous les soirs sous l’œil de l’auteur et du metteur en scène qu’est Olivier Lejeune qui de plus vous donne la réplique sur scène. Cela n’est-il pas trop pesant ? En d’autres termes n’est-il pas un "généreux tyran" comme vous savez l’être ?
Jean-Christophe Barc : Cela m'a ouvert les yeux en me faisant prendre conscience ce que j'avais pu faire vivre à d'autres. C'est donc bien de l'avoir vécu car c'est une belle leçon d'humilité ! Car j'en ai bavé ! Et du coup je comprends ceux qui ont craqué ou avec qui j'ai eu des mots. Je pense que je n'aurais désormais plus la même approche.
Vous avez craqué et eu des mots comme vous dîtes sur ce spectacle ?
Jean-Christophe Barc : Non pas avec Olivier. J'ai dû râler deux fois pour des détails à la noix, parce que je n'y arrivais pas tout simplement et que cela m'énervait. Il fallait donc que quelqu'un prenne. Mais ça s'arrête là !
De plus Olivier s'il est strict et carré est aussi très juste et il a le sens de la comédie de boulevard. Il me donnait des indications que j'écartais en disant que c'était naze et puis je les suivais quand même et je devais reconnaître qu'il avait raison.
Dans "Dévorez-moi ! ", vous avez le rôle principal et un beau rôle dans un registre où l'on ne vous connaissait pas. Cela a-t-il changé le regard des autres et notamment ceux des gens de la profession ?
Jean-Christophe Barc : Je ne sais pas. Plutôt ceux de mes copains. Ils me disent que je dois être content. Et je réponds oui car j'ai l'impression d'avancer mais c'est mon travail. Mais je n'ai pas un orgueil démesuré pour me prendre la tête avec ça. L'exigence de vedettariat n'est pas mon trip. Mais c'est le grand rêve est d'être réalisateur derrière une caméra.
Vous avez déjà réalisé des courts et moyens métrages.
Jean-Christophe Barc : Oui. Et je viens de signer pour la réalisation de mon premier long métrage. Cela est mon grand rêve depuis l'âge de 11-13 ans ! Mais pour y arriver j'ai pris des biais. J'ai commencé par être comédien. Et comme je ne m'en sortais pas trop mal et bien j'ai joué J'ai fait une école du cinéma et un de mes courts métrages est devenu un e pièce de théâtre. C'était "Week end dans l'ascenseur". Et j'ai écrit des pièces qui m'ont fait bouffer finalement. Comme le théâtre me faisait vivre j'ai délaissé un peu le cinéma. Mes copains de promotion ont avancé et j'ai un train de retard, d'une quinzaine d'années, mais je le prends maintenant. Ce n'est pas grave.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet de long métrage ?
Jean-Christophe Barc : Des producteurs m'ont proposé de tourner "Le grumeau" qui est une comédie dont je suis l'auteur et qui est encore actuellement à l'affiche au Café d'Edgar dont nous avons fait l'adaptation avec le scénariste Antoine Lacomblez. Ce sera tourné en 2007.
Et vous ne serez que réalisateur ?
Jean-Christophe Barc : Oui. Je ferai peut être un petit rôle rigolo.
Une silhouette à la Hitchcock ?
Jean-Christophe Barc : Oui, pour m'amuser. Je pense qu'il est plus important d'être derrière la caméra. L'année dernière j'ai réalisé avec des moyens très "légers" "On ne choisit pas sa famille", qui est encore en post-production, et je me suis rendu compte que c'est très difficile de jouer en étant réalisateur.
Quels sont vos autres projets ?
Jean-Christophe Barc : J'ai 3 pièces en écriture actuellement qui sont à l'état de synopsis. Et puis je viens de finaliser avec Dominique Bastien, avec qui avait joué dans "On ne choisit pas sa famille", "On ne choisit pas ses vacances" deuxième volet qui se passe dans un camping et que nous avons mis 3 ans à écrire faute de pouvoir se retrouver souvent pour y travailler. Le principe est le même : on prend 5 comédiens qui jouent 20 rôles. C'est du pur café-théâtre. Les acteurs seront les mêmes et nous espérons-le jouer l'année prochaine. Je le souhaite vraiment car cela me titille !
Vous reste-t-il du temps pour être simplement un spectateur ?
Jean-Christophe Barc : Je vais très peu au théâtre car je ne suis pas un inconditionnel de théâtre en tant que spectateur. Et cette réponse fait toujours sauter en l'air les gens. Même mes pièces ne sont pas formatées théâtre car par exemple les décors sont rarement des décors de théâtre. C'est un ascenseur en panne, une place de village avec des pinces de vélos qui partent en balade, le room service d'un grand hôtel… Je travaille toujours en pensant que la pièce peut devenir un film. Et puis de surcroît, je suis très dur. Pour me faire rire, il faut se lever tôt.
Et vous faire pleurer ?
Jean-Christophe Barc : Dans Nos amis les humains", il y a des scènes dures qui m'ont fait plaisir à jouer et qui ont aussi fait remonter des choses en moi. Je me suis rendu compte que ce n'était pas si difficile que cela de faire chialer. Et après, je chialais pour un rien !
Dès lors il est difficile de vous demander quelle pièce vous a récemment conquis ?
Jean-Christophe Barc : J'ai adoré "Vive bouchon !" de Jean Dell et Gérard Sibleyras qui se joue actuellement au Théâtre Michel. D'ailleurs j'avais auditionné pour le rôle du frère qui a 35 ans et qui est habillé en écolier. Mais j'avais 5 ans de trop ! J'aurai adoré jouer ce rôle. J'aime aussi beaucoup "Post-it" de Carole Greep à l'affiche de la Comédie Bastille qui devient un standard. Ma femme, Juliette Galoisy y joue et quand je dis cela je ne suis pas partie prenante. C'est la comique montante qui va éclater dans les années qui viennent. Pour moi c'est la nouvelle Jacqueline Maillan. D'ailleurs si elle pouvait faire bouillir ma marmite à ma place !
Et pourquoi ?
Jean-Christophe Barc : Parce qu'elle adore la scène, plus que moi ! Pour ma part, je me suis rendu compte qu'il y avait une chose qui me gênait c'était de jouer tous les soirs. Parce qu'en fait, après avoir écrit la pièce, m'être battu pour trouver de producteurs et la monter, quand elle existe et bien j'ai envie de faire autre chose !
Je regrette qu'il faille aller au charbon tous les soirs et cela me procure moins d'émotion qu'être dans une salle et assister à la projection d'un de mes courts métrages. Quand j'avais du succès je me mettais à pleurer comme un gosse. Je crois que malgré mon côté grande gueule je suis un homme de l'ombre.
Je voudrais travailler au cinéma car pour moi c'est sans commune mesure avec le théâtre. Je suis comme un môme devant une caméra et je prends un panard monstrueux. Et cela me tient depuis l'âge de 11 ans. Car je crois que j'ai un passif. Mon père est à l'origine de ma culture théâtrale car il était comédien amateur dans la troupe de son propre père, donc mon grand père, qui avait une troupe à La Rochelle. Je n'ai jamais vécu là-dedans mais j'en ai toujours entendu parler. Quand il y avait un film ou une pièce de théâtre qu'il jugeait importants, il m'y emmenait même s'il y avait école le lendemain. J'ai tourné avec toutes sortes de caméras depuis la caméra de mes parents.
Cette fascination poule cinéma a quelle origine ? L'identification avec des acteurs ?
Jean-Christophe Barc : Il y a toujours un phénomène d'identification. Je pense qu'il faut copier les acteurs pour trouver sa propre identité. Belmondo a été forgé par Michel Simon et Jules Berry. Moi également je suis une éponge. Je m'approprie des choses que je vois chez les autres.
Les autres qui vous ont fasciné quels sont-ils ?
Jean-Christophe Barc : Fernand Raynaud, Pierre-Jean Vaillard et Christian Vebel. Ma première pièce de théâtre il y avait Robert Lamoureux. J'allais souvent au Théâtre des Deux Anes et j'ai été fasciné par les gens qui y passaient. Ensuite, il y a eu les gens de la trempe de Noiret et Serrault. J'ai tourné avec Serrault et c'est un grand panard ! Galabru aussi et j'avais même poussé le vice jusqu'à aller à son cours. C'était sympa, pas très bon pédagogue mais un homme charmant. Il m'a d'ailleurs foutu dehors en me disant qu'il n'avait rien à m'apprendre et que je devais aller bosser ! Je me suis retrouvé comme un con me disant : "Bein je vais faire quoi maintenant ?". Et je crois qu'il a dit cela très gentiment et sincèrement. J'étais à la fois flatté et angoissé car j'avais envie d'apprendre ! Je suis resté un peu, venant regarder, n'osant pas faire les scènes. A 20 balais on ne prend pas la grosse tête ! J'étais plutôt gêné.
Allez-vous davantage au cinéma ?
Jean-Christophe Barc : Oui je suis davantage cinéphile. Et puis au cinéma on peut raconter une image qui va plus loin. Et de plus dans le comique on peut faire plus de visuel qu'au théâtre sur scène. Les gros plans avec des mimiques ou des inflexions très légères possibles au cinéma ne le sont pas au théâtre où on doit forcer les effets et la voix. On force tout et on cherche le rire. Alors qu'au cinéma ail ne faut pas chercher le rire. Il faut le fabriquer avec les acteurs et la caméra. C’est plus excitant et plus compliqué. Il faut aller le chercher.
Je ne parle pas des films comiques actuels qui m'emmerdent profondément mais j'admire les grands réalisateurs qui font rire au cinéma comme Gérard Oury à la grande époque. D'ailleurs avant chaque représentation de pièce comique que je joue je me fais "Oscar" par exemple pour la mécanique ou Le corniaud ou "La grande vadrouille".
J'aime bien la rythmique et la respiration de Louis de Funès. C'est un peu basique aujourd'hui de dire qu'on aime de Funès. Une bouffée de de Funès me fait du bien ! Il y a aussi "Les tontons flingueurs" de Lautner. Yves Robert est un réalisateur prépondérant dans ma culture.
J'ai d'ailleurs du mal à être exporté à l'étranger parce que mon univers est franchouillard. Mes pièces marchent bien en province parce qu'elle ne comporte aucun parisianisme dans l'écriture contrairement à d'autres auteurs comme Carole Greep que je citais. En Italie on me veut et pourtant ça ne marche pas. Après l'adaptation que j'ai faite pour "Impair et pair" je voulais faire une pièce à l'anglaise dans le principe Ray Cooney et j'ai écris "L'imposteur". Bon, il faut sans doute avec du temps pour que les choses s'installent…quand ça deviendra mythique ! (Rires) Non, ça c'est pour rêver !
Dernière question "culinaire" pour rester dans le ton de la pièce : une de vos faiblesses serait les lentilles saucisses à la Gotainer. Quelle en est la recette ?
Jean-Christophe Barc : Non, je ne peux pas ! C'est une recette très simple mais à tomber par terre ! C'est tellement bon ! Ce sont des lentilles cuites à la graisse de canard avec de saucisses de Morteau et de Montbéliard mais la touche importante c'est la croûte de parmesan qui traîne pendant la cuisson et que l'on ôte juste avant de servir. Quand Richard Gotainer m'y a fait goûté, je suis tombé amoureux de ce plat !
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