L’événement est un peu insolite : ce soir Mano Solo est venu présenter les morceaux de son dernier album, album qui ne sortira qu’au printemps prochain…
Pour amorcer la soirée vient Loïc Lantoine, accompagné de son contrebassiste
Leur présence physique est immédiate. La contrebasse rugueuse, âpre, claque tel un tambour de guerre. On se croirait parti aux champs de bataille.
Et les mots s’entrechoquent, tantôts audibles, tantôt jetés comme un borborygme rageur.
On le sait, la prose Lantoine est un spectacle sans concessions.
Et tout alors s’accélère, à fleur de peaux, une chanson qui parle du père, et conclue sur la mère.
C’est beau, dépourvu de parures, déroutant. On ferme les yeux, pour mieux voir.
Des mots, des mots, encore des mots et un rythme lancinant, jusqu’à extinction brutale des feux.
Arrêt de la musique. Sortie des artistes. Lumière.
J’ouvre les yeux et découvre une salle qui s’est totalement remplie. Mélange des genres, mélange des âges : la foule est dissipée et impatiente. C’est amusant. 30 longues minutes, puis, ouf ! C’est le noir.
Paré d’un élégant chapeau "argentin", Mano Solo est là, entouré de ses talentueux musiciens.
Je suis surprise par l’intensité de la ferveur de la salle. Et tout s’enclenche très vite : les instruments jouent harmonieusement et gaiement.
On est loin de la noirceur d’il y a quelques années. Et très vite, le spectacle déploie ses ailes, avec fougue et générosité.
On découvre plusieurs nouveaux morceaux, aux titres encore un peu mystérieux. La voix "gitane" de Mano Solo n’a pas terni.
Et l’homme, fragile, est bien là : "Y’en a qui espérait que je serai mort. Et bah non, me vl’a. J’tiens trop à cette putain de vie.", raille-t-il, fièrement. Le public siffle comme pour crier victoire.
L’humour semble de mise ce soir : "On m’a dit : ce soir Mano vas-y mollo. C’est la promo, etc. Ok, jusque-là j’y suis allez mollo, mais bon, là maintenant tant pis, je me lâche !"
Et le voilà qui entame une histoire de femme du boucher "qu’on tringle pour pas chère" ! dans la salle, quelques couples se mettent à valser au son de l’accordéon.
Mais le public est gourmand et un peu retord, il réclame des anciens morceaux, "naturellement" !
Mano fait mine de s’offusquer. "Vous êtes terrible le public ! Nous les artistes, c’est ce qu’on vient de créer qu’on a envie de transmettre !.
Et comme la salle reprend les chansons en choeur et bruyamment, il ironise : "Bande de passéistes !"
"Tiens la barre", "La Marmaille nue", "Sacré-cœur"… L’Olympia se remplit de chaleur. Je regarde le public capricieux qui semble parfois ne pas prendre toute la mesure de l’instant.
Je me dis que décidément ce soir, les artistes sur scène ont donné toute leur âme, à fleur de peaux.
Fin du dernier rappel. Lumière. Je m’éveille. |