Catherine Gandois, comédienne et metteur en scène, a monté "Un si joli petit village" une pièce d’Ivane Daoudi actuellement à l’affiche du Vingtième Théâtre.
Un spectacle tout à fait enthousiasmant, entre réalité et fantasme, entre gravité et humour sur un très beau texte d’Ivane Daoudi que Catherine Gandois, femme passionnée et comédienne engagée, défend bec et ongles.
Je souhaiterai que vous nous parliez un peu d’Ivane Daoudi qui est un auteur que vous affectionnez, de l’intérêt que vous portez à ses textes et du bout de chemin que vous avez fait ensemble.
Catherine Gandois : Ivane Daoudi était une drôle de petite bonne femme toute menue avec une voix très grave. Je l’ai rencontré dans mes années au Conservatoire de Paris lors de la création de sa première pièce "La star des oublis" qui avait été montée au Petit Odéon par Hélène Vincent. C’était un être attractif, tout à fait délicieux, une comédienne toujours borderline avec des histoires de fées et de sorcière et ce regard aigu que l’on retrouve dans son écriture.
Elle s’est ensuite adonnée uniquement à l’écriture. Européenne avant l’heure, elle était ouverte sur Londres, Berlin avec Ingrid Caven et Fassbidner, au Portugal. Elle avait de nombreuses amitiés avec des personnes connues à tel point que parfois nous nous demandions si elle n’était pas un peu mythomane. Elle avait une soif permanente d’écrire. Détail après détail elle arrive à capter l’humanité dans tout ce qu’elle a, à la fois, de poétique d’ambigu et par moment de dévastateur. Ce que j’aime c’est cette frontière quand on se trouve simultanément au bord de la réalité et complètement ailleurs dans la poésie, le fantasme, le hasard qui n’est pas le hasard puisqu’il n’existe pas. On est toujours dans la profondeur et la légèreté.
Jean-Pierre Vincent, Pierre Romand ont monté ses pièces et elle a été très lue quand Lucien Attoun s’occupait de mettre en voix des textes contemporains. Après "La star des oublis", nous nous sommes retrouvées à Avignon et elle a écrit pour moi et Didier Sauvegrain une pièce qui s’appelait "Nous détruirons nos désirs à coup de dynamite" dans les années 80. Comme nous étions comme des princes et des princesses nous attendions qu’un metteur en scène nous appelle pour monter cette pièce.
Et le temps a passé. Avec Hélène Vincent et Féodor Atkine, nous avons réalisé un court métrage "Roses rouges pour un vampire" d’après un de ses texte. Quand Ivane nous a quitté, il y a 11 ans, subitement car nous ne savions pas qu’elle était si malade, au lieu de fondre en larmes j’ai été prise d’une grande colère et j’ai décidé que j’irai taper à toutes les portes pour que ses trésors d’écriture soient édités et montés. Car je suis une comédienne qui défend l’écriture contemporaine avec rage.
Bernard Faivre d'Arcier a accepté de me donner une semaine pendant le festival d’Avignon à la Chartreuse de Villeneuve les Avignon pour faire un état des lieux. J’ai invité 70 personnes du monde de la culture qui sont toutes venues. Depuis des textes comme "Un si joli petit voyage" et "Les oiseaux de Berlin" ont été publiés par Actes Sud et une des pièces qui fait partie des 3 écrites sur les 5 prévues initialement dans "Les oiseaux de Berlin" a fait l’objet d’une lecture.
Pour "Un si joli petit voyage" vous avez fait la mise en scène. Comment êtes-vous venue à la mise en scène ?
Catherine Gandois : En 2001 quand j’ai mis en scène la première pièce de Tonino Benacquista "Un contrat" jouée par Rufus et Jean-Pierre Kalfon à la Comédie des Champs Elysées. J’ai ensuite adapté, avec Didier Sauvegrain, et joué un livre de Franck Magloire "Ouvrière" une pièce qui est à l’origine de ma rencontre avec la Maison des Métallos et Gérard Paquet, son directeur, qui m’a apporté un soutien soutenu pour la production de "Un si joli petit voyage".
Ce projet a-t-il eu une gestation difficile ?
Catherine Gandois : Oui, il a fallu 2 ans et demi pour le concrétiser. Au départ, le spectacle se serait dérouler dans un vrai train en gare et dans chaque wagon une histoire pendant un trajet qui mènerait à Avignon - comme dans le train réel et fantasmé dans lequel se déroulent les 3 histoires de couples qui ont passé la quarantaine et je voulais y faire circuler une chorale fanfare de très jeunes gens pour brouiller les pistes.
Car les histoires de vie et d’amour ne se ressemblent pas à 20 ans et à 40 ans.
Cela étant, j’ai dû y renoncer pour des raisons financières sauf à trouver des acteurs "bankables" ce qui n’était pas mon souhait car je voulais effectuer un vrai travail de fond. Comment vit-on en couple aujourd’hui ? Où est le désir et où est la liberté ? Comment être seul ? Tout cela avec humour sans caricature. J’ai cherché des acteurs que je connaissais un peu puisqu’ils ont fait le Conservatoire National de Paris dans la classe d’Antoine Vitez comme moi.
Dominique Buzet avec qui j’avais travaillé pour "Ouvrière" m’a donné son accord à condition que la pièce soit également jouée à Paris. Je me suis donc défoncée comme une bête avec ma petite compagnie "Vertiges" pour trouver le financement auprès de la DMDTS, de la DRAC, de l’ADAMI et de la Maison des Métallos. Danielle Gain agent artistique et productrice de théâtre a apporté le complément.
Pour cette pièce vous êtes metteur en scène mais aussi actrice ?
Catherine Gandois : Oui pour des raisons financières là encore. Cela étant je me suis entourée d’Alexandra Tobelaim, jeune metteur en scène qui avait déjà été mon assistante, et de Didier Sauvegrain, qui connaissait bien le projet et qui au départ devait le jouer mais n’a pu le faire en raison de sa présence dans la distribution de "L’objecteur" au TEP de Michel Vinaver, pour qu’ils soient mon regard quand je suis sur scène car dans ce spectacle il y a un gros travail sur le mouvement, les lumières et les images.
Après la programmation au Vingtième Théâtre, avez-vous déjà des frémissements pour une reprise ?
Catherine Gandois : Je me bats tous les jours et c’est la raison pour laquelle la vie m’intéresse. J’ai des rendez-vous précis avec des directeurs de salle dans le sud de la France et je suis à la recherche de toutes les opportunités pour une tournée mais je souhaiterai également une reprise à Paris parce que ce n’est qu’un début. Car le spectacle est évolutif en fonction du temps mais aussi du lieu. Il ne faut pas figer le contemporain sauf à le vouloir délibérément.
Et avez-vous d’autres projets ?
Catherine Gandois : Je mène actuellement un chantier exploratoire d’écriture contemporaine destinés aux acteurs professionnels "Les mots pour le dire" qui se déroule à la Maison des Métallos et qui débouche sur une représentation. Nous travaillons sur les textes d’Ivane Daoudi puis nous enchaînerons sur ceux de Marie Nimier.
En janvier, je dois réaliser une mise en scène de "La camoufle", une pièce de Rémi de Vos, Isabelle Hurtin qui sera représentée au Théâtre du Lucernaire. Et puis j’ai un grand projet à plus long terme qui consiste à monter le journal intime de Roger Vailland.
Et en tant que comédienne ?
Catherine Gandois : J’ai quelques projets qui ne sont pas encore définitivement bouclés donc je préfère ne pas en parler.
Un emploi du temps serré donc ?
Catherine Gandois : Oui mais aujourd’hui les projets s’initient longtemps en amont. Car tout demande beaucoup de temps pour se concrétiser. Mon projet c’est d’être dans la soif de vivre. Et puis il y a les rencontres humaines une des raisons pour laquelle je fais ce métier. Tout cela est une histoire d’humanité.
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