Juste après leur
passage sur la scène du Grand Rex, Froggy Delight a recueilli, en
exclusivité, les propos de Jean Charles Versari, auteur et interprête
du groupe, interview qui nous éclaire sur leur parcours musical jusqu'à
leur nouvel album "Blottie".
Quelle est la signification de votre patronyme " Hurleurs " ?
Y a t -il un rapport avec le poème de Leconte de Lisle?
Pas de signification réelle, il y a 12 ans, notre nom était
"Les Hurleurs de Lune", et les gens nous ont appelé les Hurleurs
spontanément. Nous avons gardé ce nom parce qu'il nous paraissait
correspondre à une facette de notre musique : un hurlement peut aussi
être une réaction à une situation, et les textes parlent
souvent de situations qui peuvent amener à réagir... Ce nom n'a
aucun rapport avec le poème en question.
Etiez-vous vraiment un groupe de chanson réaliste variante "Têtes
raides" ?
C'est ce que beaucoup de gens ont dit. Nous nous sommes toujours trouvés
différents des TR, même si aujourd'hui, à l'écoute
de "Bazar", je comprends qu'on nous ait comparés à eux
alors. Je pense que notre écriture musicale, nos références
et mes textes sont radicalement différents des leurs.
Comment trouvez vous une harmonie et un accord musicaux dans un groupe
composé de huit personnalités ?
En fait nous sommes six. Ça n'est pas toujours facile et ça
génère beaucoup de discussions, mais nous finissons toujours par
trouver un point d'accord, en essayant de limiter au maximum les frustrations
potentielles de tout le monde.
Que s'est-il passé entre l'enregistrement de " Ciel d'encre
" en 1999 et la sortie nationale de " Blottie " en 2002 ? Après l'enregistrement de Ciel d'Encre, la phase de démarchage
a pris un peu de temps, puis il est sorti en 2000 et nous avons commencé
à donner des concerts. Ça a duré jusqu'en mars 2001, et
nous avons commencé à travailler sur Blottie.
Votre troisième album " Blottie " annonce-t-il une métamorphose
?
Pour moi, "Blottie" est une évolution plus qu'une métamorphose.
Je pense qu'il y avait déjà un peu de "Blottie" dans
"Ciel d'Encre".
Est-il exact que les morceaux de votre dernier album ont été
composés directement en studio sans esquisses préalables ?
Non. Nous avons commencé à travailler sur Blottie avec
très peu de morceaux. Contrairement au passé où nous envisagions
d'enregistrer quand nous avions assez de morceaux pour faire un album, nous
sommes partis de presque rien. Nous nous sommes enfermés, soit dans des
lieux qu'on nous prêtait, soit dans un studio de répétition
et nous avons beaucoup cherché. Chacun amenant des idées de lignes
mélodiques, de suites harmoniques et nous avons improvisé autour
de ça et nous avons enregistré ces séances.
Ensuite, nous avons chacun pris ces enregistrements que nous avons
ramenés à la maison où nous avons tous retravaillés
dessus. J'ai écris les textes et nous avons recommencé à
travailler avec ces nouvelles structures. Quand nous avons commencé à
travailler avec Ian Caple, les structures des morceaux étaient relativement
claires. Il y a eu beaucoup de spontanéité et d'improvisation
en studio aussi, mais les morceaux existaient déjà.
Quel est l'apport d'Adrian Utley, guitariste de Portishead, qui joue quatre
instruments sur la moitié du disque ? S'agit-il d'une simple contribution
instrumentale ou d'une réelle collaboration musicale ?
Ça a été une belle rencontre. Adrian a beaucoup
aimé nos maquettes et a vraiment voulu participer au projet. Il était
en studio comme nous (pendant deux périodes de 5 jours) et proposait
des idées. Quand c'était le moment, il essayait et c'était
souvent probant. Cela s'est passé très simplement. D'après
moi une réelle collaboration ET rencontre.
Les chroniqueurs avancent beaucoup de références :Tindersticks,
Nick Cave, Velvet Undeground, Tom Waits, Tricky, Kat Onoma.. Lesquelles reconnaissez-vous?
Est-ce pure coïncidence des univers musicaux ou un choix délibéré
de votre part ?
J'écoute les disques de tous les artistes que tu cites, et c'est
le cas d'autres membres des Hurleurs. C'est normal que tes influences ressortent
dans tes créations... Je crois.
Miossec est également cité en ce qui concerne le texte.
Qu'en pensez-vous ?
Je connais assez mal ses disques, mais j'apprécie ce que je connais.
J'imagine qu'il est cité parce que ses textes parlent beaucoup de relations
amoureuses et que c'est le cas de beaucoup des textes de "Blottie"...
L'album " Blottie " est parfois classé genre blues imaginaire
tel qu'il existe dans le cinéma de David Lynch ou Jim Jarmush. Y voyez
vous également une parenté ?
J'ai l'impression que notre musique a toujours eu une dimension picturale,
et le côté sombre de nos morceaux peut en effet rappeler les atmosphères
des films de David Lynch... Sans que ce soit quelque chose de revendiqué,
j'apprécie la référence.
Votre dernier album est produit par Ian Caple, le producteur des Tindersticks,
de Bashung, Echo and the bunnymen et de Tricky. De qui vient l'initiative ?
Par ailleurs Ian Caple semble avoir été très " présent
" pour cet album. Quelle maitrise avez vous eu pour votre album ?
Ian a immédiatement compris ce que nous voulions et ou nous voulions
aller. Il a été très à l'écoute et a su nous
diriger pour nous pousser encore plus loin, il est ingénieur du son et
c'est donc lui qui maîtrisait le travail de A à Z. il ne nous a
jamais donné de mélodies à jouer, mais il avait une idée
précise du résultat qu'il voulait. Si nous avons fait appel à
lui, c'est aussi parce que nous avions confiance et que nous apprécions
son travail. Je n'ai pas le sentiment de m'être fait déposséder
de quelque chose. Ça a été une collaboration très
réussie. De plus, je pense que c'est bien d'avoir un réalisateur,
car on perd vite le recul quand on enregistre un album, et Ian a parfaitement
su tenir le projet.
De plus, trop de références, et parmi les plus élogieuses,
ne nuit-il pas à la crédibilité de la création ?
La référence très prégnante aux "Tindersticks
" ne risque-t-elle pas de devenir une étiquette ?
C'est vrai qu'il faut se méfier de ça, mais il suffit
d'après moi d'écouter le résultat. "Blottie"
reste très différent des albums des Tindersticks.
La voix de Jean Charles Versari paraît particulièrement protéiforme
:sa tonalité ou son phrasé rappelle parfois Lavilliers, Ferrat
voire même Gainsbourg. Est-ce pure coïncidence ? Je n'ai jamais écouté Lavilliers, Ferrat et Gainsbourg
non plus (juré). Je m'intéresse à Gainsbourg aujourd'hui
mais c'est très nouveau. J'ai un timbre de voix qui évoque certaines
personnes... c'est ma voix et je n'y peux pas grand-chose.
Pourquoi sortir concomitamment à un album de chansons originales
un Ep de reprises de morceaux cultes ? Pourquoi notamment India Song ? Ces reprises
correspondent-elles à votre background musical ?
Faire une reprise est un exercice de style que nous aimons et j'ai donc
proposé à Barclay d'enregistrer des reprises en même temps
que l'album. Le choix des morceaux s'est fait simplement : nous avons tous proposé
3 titres et nous avons choisi ensemble. Tous les titres font en effet partie
de nos background musicaux personnels (je ne connaissais pas Curtis Mayfield).
Que pensez-vous de la scène rock française ? Où vous
situez vous ?
Le terme rock français ne veut pas dire grand-chose pour moi
parce qu'il qualifie la musique d'après sa langue et pas d'après
son style. Est-ce que ce qu'on fait est du rock ? Téléphone faisaient
du rock et je me sens loin de Téléphone... Je trouve qu'il se
passe beaucoup de très bonnes choses en France en musique - pas nécessairement
chantées en français - et nous situer est difficile, ce qui est
probablement la situation que je préfère.
Si vous ne disposiez que de 3 mots pour caractériser votre musique
quel serait votre choix?<
nocturne - sensuelle - tendue
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