Jack White définitivement maintreamisé, usé par tant de combats croisés avec le blues, vidé jusqu’à l’os comme un pot de confiture raclé jusqu’au bocal, la porte était dorénavant ouverte pour d’autres Delta boys, prêts à rajeunir le genre et vendre leur âme au grand Belzébuth.
Et Dieu sait qu’ils étaient peu nombreux à s’inscrire sur les listes pour l’élection du plus grand bluesman moderne, mêlant rock et mantra, vaudou et riffs électriques. The Legendary Tiger Man, alias Paulo Furtado leader du cultissime groupe portugais de Wraygunn, est donc aujourd’hui l’un des seuls prétendants au titre. Et son élection est proche, avec ou sans électeur.
Du blues, des riffs et le Delta comme unique direction. Ce deuxième album, Masquerade, s’inscrit d’emblée comme un melting pot musical piochant dans toutes les marmites, en cohérence avec les addictions de Furtado au Blues et au Gospel en passant par le scratch, ou par le rock minimaliste de The Kills.
Plus qu’un album, Masquerade s’avère être un mode de vie blues avec le dodelinement de la tête bien senti sur des perles comme "Honey you’re too much", sucé jusqu’à l’os avec la batterie synthétique et la basse étouffée. Un de ces titres qui auraient parfaitement pu faire partie de No wow de The Kills justement. Et le beat sexuel se maintient, véritable cure de jouvence et/ou de Viagra pour l’auditeur en manque d’exotisme soul ("I got my night off"), quitte à empiété sur l’ancien testament des White Stripes période White blood cells.
L’éternel refrain du blues, 12 mesures et trois accords, se joue allégrement sur ces 11 titres enlevés, avec des spéciales dédicaces au Muddy Waters (le très surprenant "The whole’s world got an eye on you"), des réminiscences de Skip James et du blues on the bayou à la CCR.
Cette suite au premier album, Fuck christmas I got the blues, s’avère donc plus qu’une recréation au projet Wraygunn, c’est avant tout le rêve concrétisé d’un homme élevé aux musiques de l’ombre, pleine de pathos joyeux, de libérations sexuelles et de guitares au premier plan. Dépouillé, sec, minimaliste, le blues de Furtado louche partout, jusqu’au boogie de ZZ Top avec "Walkin’ downtown" et sa basse trépidante en transe, qui sue sur le manche comme la groupie sur le rocker.
Une réussite donc, pour ce projet parallèle qui est tout sauf auxiliaire. Une entrée dans un monde où la guitare de Furtado tremble comme un combat de poulet voodoo. Paulo, lui, n’y laisse aucune plume, en donnant envie de s’y refrotter des décennies encore, au Blues. |