Il devait être écrit que la traditionnelle causette-bière durant la première partie allait être escamotée ce samedi soir. A vingt heures pétantes, sous des acclamations nourries, la 74ème mouture du Brian Jonestown Massacre fait son entrée sur la scène de l'Elysée Montmartre.
Il faut dire que leur précédente prestation à la Cigale s'était un peu achevée en jus de boudin : pour les absents, fin forcée du set à 22h40 pour cause de couvre feu, vaine standing ovation du public - dix minutes montre en main - ...
Pour son retour à Paris, Anton Newcombe semble aux anges, tout simplement ravi de se produire dans une salle sold-out depuis longtemps. A quoi peut-il bien penser à cet instant ? Espérer que cette renaissance tardive ne se cantonne pas à un effet de mode ? Savourer sa revanche sur toutes ces années de galère ?
Et pourtant ... à une époque, les BJM avaient tout pour réussir ... Pas aussi dingue sur scène que le Beta Band, moins inventif qu'Olivia Tremor Control, moins expérimental que Spaceman 3, moins chiadé sur disque que Mercury Rev, moins culte que les Stones Roses, moins tubesque que les Dandy Warhols ... les BJM n'étaient jamais les meilleurs mais excellaient dans tous les domaines. Ce qui faisait d'eux un des groupes phare du rock psyché underground dans les années 90.
Puis, contre toute attente, en 2004, un documentaire - le fameux "DIG !" - les projette enfin sur le devant de la scène. Alors, comme les Pistols en 96, les BJM viennent récolter, dix ans après la bataille, un peu de cette gloire et de cet argent qui leur avaient jusqu'ici si injustement échappés. Et on ne peut que s'en réjouir.
La première heure se déroule comme dans un rêve ; Anton et ses sbires reprenant les choses où elles s'étaient arrêtées : le meilleur des premiers albums ("Who", "That Girl Suicide", "Servo", "Straight Up And Down" ...), des titres récents plutôt corrects, un light show des plus classes... Le plus fascinant dans l'histoire restant sans conteste ce son vintage incroyable, patiemment érigé par l'empilage de couches d'instruments : trois guitares, une basse, un clavier et une batterie.
A peine ose-t-on déplorer un jeu de scène quasi-inexistant et l'absence de l'incroyable trublion Joël Gion (le fameux frontman au tambourin portant des lunettes de mouche). Fin du premier acte et début des complications.
En effet, une fois l'état de grâce atteint, la qualité du show va lentement mais sûrement s'effriter pour s'achever dans la confusion la plus totale ... La faute à quoi ? A qui ? Quelques éléments de réponse :
Une setlist en forme de montagnes russes. La recrudescence de titres pop-psyché récents en vient à plomber la setlist : trop banals, trop de similitudes ... ne récoltant guère mieux que des applaudissements polis. Et ce ne sont pas les fillers de concert qui manquent si l'on considère que BJM n'a plus sorti de disque potable depuis Strung Out In Heaven ... en 1998.
A juste titre, le public réserve son enthousiasme et ses débordements pour les valeurs sûres (au hasard "Vacuum Boots"). Ondi Timoner ne s'y était d'ailleurs pas trompée expédiant les dernières années dans les dernières minutes de son film. Un peu comme une bonne bio sur les Stones : 300 pages des débuts à Exile et 50 pages pour le reste (catalogue de groupies de Bill Wyman inclus).
Une prestation mal gérée. On pourrait y voir une absence de professionnalisme, disons que le groupe pêche par excès de confiance ...
D'abord les faux départs à répétition ... Anton s'agace ... Va-t-on assister à une baston ? Pas grand risque ... le leader semble avoir tiré un trait sur ces enfantillages. Ce soir, c'est juste du folklore ... les musiciens sont détendus, aucun coup de botte ne sera distribué. Tout ça sans parler des interminables périodes d'accordage entre les titres. Même au bout de 90 minutes, l'effet saucissonnage de prestation et cassage d'ambiance demeure inévitable.
Une fin foirée. Riche idée de prime abord que de clore les débats sur "Evergreen", classique de l'époque Methodrone. Malheureusement, dans les faits, c'est l'esprit des Byrds époque 1970 qui est convié, tant le groupe s'abîme dans une version digne de "Eight Miles High" sur le pénible "Untitled" ... Sans parler des prolongations sous la forme de gargouillis électroniques pendant une dizaine de minutes ...
Non, définitivement, on ne gardera de ce millésime 2006 de BJM que le souvenir des prestations en festival, parfois frustrantes car trop courtes mais ô combien jubilatoires.
Morale de l'histoire, n'est pas le Grateful Dead qui veut ; Brian Jonestown Massacre ne peut rivaliser sur la longueur, mais demeure un excellent groupe de rock psyché à chansons. Comme les Dandy Warhols en somme ...
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