Rencontre avec David-Ivar Herman, un barbu doux et rêveur, deux semaines après la sortie de Giant, nouvel effort d'Herman Dune et une poignée d'heures avant leur concert à Clermont-Ferrand.
Giant est sorti il y a peu de temps : avec un peu de recul, que penses-tu de cet album?
David-Ivar Herman Herman : J'aime beaucoup cet album, je le trouve bien. J'aime bien les chansons, je les aime toujours. Je les joue en ce moment en concert et, moi, cet album il me plaît vraiment. Je n'ai pas encore de recul puisqu'il est sorti y a deux semaines mais pour l'instant il me plaît toujours autant que quand on l'a enregistré.
Et vous avez eu un retour du public?
David-Ivar Herman : On a eu du retour tout simplement parce que y beaucoup de monde aux concerts. C'est une forme de retour de voir combien de personnes viennent aux concerts. J'ai l'impression que ça plait pas mal, mais bon en deux semaines, les gens ne vont pas connaître les chansons par coeur mais il y a beaucoup de gens qui me disent qu'ils ont beaucoup aimé l'album en tout cas.
Giant est vraiment différent des autres : marque-t-il un tournant dans la carrière d'Herman Dune?
David-Ivar Herman : Moi j'ai toujours trouvé qu'ils étaient tous différents les uns des autres. Je n'ai pas l'impression que ça soit un tournant de carrière en tout cas, mais il est un peu différent, oui.
Pourtant il y a de nombreux nouveaux instruments utilisés pour cet album?
David-Ivar Herman : Oui, oui mais d'un album à l'autre on a toujours fait des différences. Sur certains, on a utilisé du piano,du violon...Sur cet album, ce sont les cuivres et les choeurs qui sont mis en avant mais, par exemple, "Not on Top", c'est le premier album sur lequel on a utilisé une basse et y avait aussi des coeurs féminins d'ailleurs.
André n'est pas là, il voudrait tout arrêter?
David-Ivar Herman : Pour l'instant, il n'a pas envie de tourner, de faire des interviews, ce genre de choses. Il n'a pas envie, ça ne l'intéresse pas je pense. Tout ce qu'on lui a souhaité, c'est de faire ce qu'il avait envie de faire. Moi je n'aurais pas fait ça pour mes chansons mais il fait ce qu'il veut ; on n'oblige pas quelqu'un à faire quelque chose qu'il n'a pas envie de faire.
Le fait que ton frère ne soit pas là, ça ne te met pas un peu plus de pression?
David-Ivar Herman : Scéniquement, c'est plus dur pour des raisons physiques. Par exemple, j'ai moins de temps pour reprendre mon souffle. Comme il y a beaucoup de paroles dans mes chansons, je finis souvent les concerts avec la voix cassée. Mais bon, je m'amuse autant mais c'est juste un peu plus dur. Ca m'apprend beaucoup en tout cas d'être tout seul sur scène à chanter parce que c'est plus fatiguant.
Dans l'album, tes chansons sont peut-être plus joyeuses que celle d'André...
David-Ivar Herman : C'est possible et ça serait la première fois parce que d'habitude on me dit le contraire. J'ai jamais été très triste en enregistrant mais là j'étais encore plus gai que d'habitude parce qu'on a pris tout en live et moi j'adore ça. Ca me rend très heureux ce genre de choses!
Où en sont tes nombreux projets parallèles ?
David-Ivar Herman : Moi en ce moment je fais surtout du dessin en parallèle du groupe. Après, les projets musicaux parallèles, j'ai un peu arrêté parce que j'ai envie de me concentrer sur Herman Dune et surtout qu'en ce moment, mon frère n'est pas là et c'est moi qui fait un peu tout, au point de vue chanson. Tous les groupes que j'avais à côté, j'ai arrêté pour le moment.
Pour en revenir au dessin, le visuel a l'air important chez Herman Dune.
David-Ivar Herman : Je dessine beaucoup et je m'en suis toujours servi. Je ne sais pas si je peux imaginer un album où je ne ferais pas la pochette. Mais c'est important, à chaque fois je prend beaucoup de temps, beaucoup de soin pour faire ces pochettes,les t-shirts...
Les dessins que tu fais t'inspirent pour écrire des chansons ?
David-Ivar Herman : Oui, ça m'arrive souvent même. Dans mes dessins y a des bulles et ça m'inspire beaucoup. J'ai même fait mieux : j'ai fait un album où j'avais commencé par faire un petit livre et j'avais écrit des chansons pour aller avec.
Tu n'as pas envie de faire des BD?
David-Ivar Herman : J'en ai déjà fait : pas mal même ! Mais il faut beaucoup de temps donc en ce moment,je suis pas en train d'en écrire une parce que je suis très occupé. J'aime beaucoup la BD.
Vous êtes amis avec beaucoup d'autres artistes ou groupes : vous formez une vrai communauté?
David-Ivar Herman : Nous sommes beaucoup d'amis qui jouons ensemble. Après une communauté, je ne sais pas en tout cas on a plein d'amis qui jouent mais ça vient du fait qu'on joue beaucoup et un peu partout donc on rencontre beaucoup de monde. Après quelques années, il nous reste de vrais amis avec qui on a des rapports assez forts et qui sont artistes. On a beaucoup d'amis artistes. Sur une question d'affinité,on a de bons rapports et de nombreux points communs avec les groupes qui chantent en anglais donc c'est souvent des artistes anglais ou américains. On a aussi tourné pas mal là bas donc on a rencontré pas mal de monde aussi.
Pourquoi avoir appelé cet album "Giant" d'ailleurs?
David-Ivar Herman : Ca vient d'un chapitre de la Genèse, le chapitre 6,qui fait mention de "géant", et ce mot en hébreu "néphilim", apparaît deux fois dans la Bible et il n'est pas expliqué. Il y a un côté assez mystérieux et ce n'est pas pour parler de religion mais des histoires de la bible parce que la religion, moi, j'en ai vraiment rien à faire mais la Bible en tant que livre,ça m'intéresse.
Y avait-il une recherche spirituelle dans cette lecture de la Bible ?
David-Ivar Herman : Non, la religion ne m'attire pas spirituellement. Il y a beaucoup de légendes que j'ai lues ; les Sagas Islandaises par exemple. J'aime beaucoup les légendes de plein de pays mais littérairement et pas spirituellement : la religion ne m'attire pas.
Et les livres, tu as déjà penser à en écrire?
David-Ivar Herman : Si, je pense que je le ferais un jour.C 'est un but en tout cas mais faut beaucoup travailler.
Ton but, c'est faire de la musique le plus longtemps possible ?
David-Ivar Herman : J'espère parce que j'aime beaucoup ça. Je ne veux pas continuer en dépit de toute logique mais tant qu'il y a des gens qui viendront me voir jouer, je jouerai.
Et tu te vois à 70/80 ans sur scène ?
David-Ivar Herman : Je n'ai pas de problème avec ça. J'ai vu des gens supers géniaux malgré leur âge. Je me souviens d'avoir vu Steve Lacy à 70 ans, il était fantastique. Enfin ça ne veut pas dire que tu danses pareil mais je m'arrêterai que si on me force.
(Neman, le batteur du groupe arrive dans la salle en skate)
Ah Neman...
Vous avez déjà joué a Clermont l'année dernière, mais dans un bar. Aujourd'hui, c'est à la Coopé, une salle plus importante. Tu préfères les grands ou les plus petits lieux?
David-Ivar Herman : C'est juste une question de public. Des fois dans les toutes petites salles il y a un public chaleureux et des fois dans des grandes salles, il n'y a pas vraiment d'ambiance.Ca dépend vraiment du public, je n'ai pas spécialement de préférence.
Et le meilleur selon vous?
David-Ivar Herman : C'était le dernier à Rouen, on a super bien joué et j'ai vraiment adoré.
Tu as composé plus de 500 titres...
David-Ivar Herman : Je pense, au moins.
C'est impressionnant tout de même. Tu te souviens de tous?
David-Ivar Herman : Non j'oublie. Il y a même des morceaux de "Turn Off The Light" dont je ne me souviens pas très bien. J'ai beaucoup de morceaux où y a beaucoup de paroles donc je les oublie des fois, quand je ne les joue pas pendant trop longtemps.
Et jeune, qu'est ce qui t'a donné envie de faire de la musique?
David-Ivar Herman : J'ai toujours été passionné de musique. On jouait beaucoup avec André. C'est plus de voir les gens sur scène. Je me souviens, j'avais des cassettes vidéos de Bob Dylan avec Tom Petty ; je rêvais la nuit de faire la même chose.
Quels sont les trois albums que tu voudrais garder toute ta vie?
David-Ivar Herman : D'abord "Blood on the Tracks" de Bob Dylan, hum, je sais pas, pourquoi pas "Rubber Soul" des Beatles et "Check Your Head" des Beastie Boys.
Et un groupe comme les Beatles ou les Beach Boys, tu penses que ça manque sur la scène pop actuelle?
David-Ivar Herman : Ouais, carrément, des groupes aussi bons, des aussi bons musiciens, ça manque, on n'en voit pas assez. Il y a pas mal de musiciens qui sont pas super bons.
Tu penses à qui?
David-Ivar Herman : Non, mais ça fonctionne un peu par mode et ça a toujours été comme ça. Les gens n'ont pas le temps de devenir bon parce qu'ils restent deux ans, puis c'est une autre mode. Un coup c'est l'électro, un coup autre chose. Ce qui manque je trouve c'est des gens qui font la même chose pendant des années, des années et des années et qui, par la force des choses, deviennent vraiment bons.
C'est ton objectif avec Herman Dune?
David-Ivar Herman : Oui, enfin on n'a pas vraiment d'objectif mais c'est quelque chose qu'on a envie de faire en tout cas,un stade où l'on veut arriver.
Et le fait que des groupes "hype" jouent en 6 mois dans des grandes salles?
David-Ivar Herman : J'en pense rien du tout parce que je ne les connais pas. Enfin, pour la France, je pense que ça fait partie du rock strokesien qui ne m'intéresse absolument pas, à vrai dire. Pourtant, j'adore les Strokes mais les groupes qui s'habillent pareil,ça m'intéresse pas.
Et qu'as tu pensé quoi du dernier Strokes ("First Impressions of Earth")?
David-Ivar Herman : Je l'ai trouvé bien parce qu'il est très proche de Nirvana,et j'aime beaucoup Nirvana. C'était une bonne influence à exploiter pour eux parce que ça ressemblait aussi avant mais ça sonnait pas pareil.
Pour toi, Kurt Cobain, c'est une idole?
David-Ivar Herman : Oui, complèment. Enfin, une idole je sais pas, mais c'est quelqu'un dont j'admire les chansons, la vie, le jeu, le look donc je pense que ça se rapproche des idoles qu'on a quand on est petit enfin moi j'ai pas d'idole mais j'aime beaucoup de choses chez Kurt Cobain.
Tu n'as pas l'air d'aimer cette notion d'idole, de fan?
David-Ivar Herman : Ce n'est pas que je ne l'aime pas,mais c'est parce que je l'ai plus cette notion. J'ai été fan de Bob Dylan dans le sens où ton opinion tu ne la remets plus en question quand t'es fan, tu aimes tout de lui et de ce qu'il a fait. Moi j'ai plus cette notion parce que c'est passé. Par exemple, j'étais fan de Woodie Allen, hier j'ai été voir le nouveau, je n'avais pas un regard de fan : il y avait des trucs que j'aimais et des trucs que j'aimais pas. En général, je suis assez content quand j'arrive à ce stade là avec un artiste.
Tu es plutôt Beatles ou Rolling Stones?
David-Ivar Herman : J'aime les deux, mais dans la constance, j'aime tous les albums des Rolling Stones alors que je n'aime pas tous les albums des Beatles. Pour moi le meilleur album des Beatles, c'est "Rubber Soul".J'ai vu les Stones l'année dernière : génial ! Dans les gros concerts, j'ai vu Bruce Springsteen aussi, mais j'ai pas aimé. Je n'aime pas le groupe qui l'accompagne.
Le cinéma, c'est aussi important pour l'écriture?
David-Ivar Herman : Tout ce qui a des mots m'inspire et est important pour l'écriture, surtout en anglais. Tout me sert, les films, les livres, les BD, les affiches, n'importe quoi où y a des mots écrit dessus ça me sert.
Et la chose la plus originale qui t'ait inspiré?
David-Ivar Herman : Le truc le plus en décalage qui m'a inspiré, parce que d'habitude c'est toujours des trucs un peu de ma propre culture, c'est pour un titre de "Not On Top" ("You Could Be a Model,Goodbye"), c'était un programme télé avec Paris Hilton. Mais bon ça m'arrive rarement d'être inspiré par la télé parce que je ne la regarde pas beaucoup.
Et ce côté "citoyen du monde" que tu as, ça t'inspire aussi?
David-Ivar Herman : Oui, c'est sûr. J'ai vécu dans plein de pays, je me suis senti chez moi dans des pays différents donc c'est sur que ça inspire.
Vous avez fait beaucoup de Peel Sessions en Angleterre. Penses-tu que ça manque des gens comme lui dans la musique?
David-Ivar Herman : Des gens comme John Peel, ça manque partout je pense. C'est un mec qu'a fait une émission de radio pendant 50 ans, et qui a tout simplement gardé un goût pour la musique, qui ne s'est fait absorbé par rien, qui ne s'est pas vendu. Ca manque parce que la radio, c'est ridicule. C'est des arrangements,"Tu passes tel titre de telle personne à la radio, en échange je t'achète de la pub". Et puis il n'y a pas d'émission de gens qui programment ce qu'ils ont envie d'écouter à part John Peel.
Pour toi John Peel, c'était la mémoire de la musique?
David-Ivar Herman : Oui, et puis ce qui était super, c'est qu'il nous programmait uniquement parce qu'il aimait ce qu'on faisait. Et il le faisait pour plein d'autres artistes,donc pour ça,c'est clair que je l'admire beaucoup. J'ai jamais revu ça depuis...
Tu n'as jamais eu envie de travailler à la radio justement?
David-Ivar Herman : J'adore être DJ parce que j'ai plein de disques. Mais c'est clair qu'à la radio c'est mieux parce que t'es pas obligé de faire danser donc j'adorerais avoir mon émission. Avec Turner (Cody, ami d'Adam Green et de toute la scène antifolk New Yorkaise dont il est issu), qui fait la basse ce soir, on a fait une émission de radio et c'était cool, on s'est bien marré.
Vous l'avez connu comment Turner Cody?
David-Ivar Herman : A New York. Il fait partie de ce cercle d'amis dont on parlait tout à l'heure. |