Le moins qu’on puisse dire, c’est que dans le petit monde du jazz européen, il y a un buzz incroyable autour du jeune Stéphane Guillaume, que d’aucun présente comme le futur petit génie de la scène jazz française, cornaqué en cela par de vrais pointure, comme le meilleur directeur de l’orchestre National de Jazz que nous ayons jamais connu, Laurent Cugny…
Le futur petit génie est passé de figure confirmée à multi-anchiste (tous les sax, flûte, toutes les clarinettes) à auteur d’un premier album remarqué et remarquable, sans esbroufe - sans doute du à la direction du parcimonieux Daniel Yvinec- ni morceaux de bravoure solo, et doté de toutes sortes d’influences très urbaines, mais également porté vers une improvisation maîtrisée, éprouvée par une orgie de clubs et de scènes depuis plus de 10 ans, bien qu’il ne vienne que de franchir le cap de la trentaine.
Stéphane Guillaume était connu comme l’un des meilleurs sideman français, le voilà qui s’installe comme un leader incontournable. On pourra lui reprocher bien sûr, ou plutôt le reprocher à la presse spécialisée, de se poser comme le saxophoniste maximal et d’oublier les Loureau, Monniot et j’en passe, mais ce serait un faux procès ; Guillaume fait un jazz simple mais inspiré, il ne fait pas des tonnes de virtuosité mais il impose une véritable sérénité dans un jeu sans artifices.
Nous pouvons encore le constater dans Intra-Muros, son dernier opus, tout chaud sortie chez O+ et où l’on retrouve le sieur en quartet avec ses fidèles que l’on retrouvait déjà sur le premier album : l’indispensable Antoine Banville à la batterie, gardien du temple rythmique d’un projet plus urbain - comme son nom l’indique - que le précédent, Marc Buronfosse à la basse et contrebasse, et enfin le guitariste "onirique" Frédéric Favarel à la guitare acoustique et électro-acoustique.
C’est comme toujours Banville qui sort du lot, avec une facilité rythmique impressionnante et pour tout dire, imparable. Son entente rythmique avec Buronfosse fait merveille, surtout sur les morceaux extrêmement carrés, comme son nom l’indique "Ode à l’angle droit". Il semble que l’écriture musicale de cet album provient de poèmes atmosphériques. Ainsi, cet excellent morceau sur l’angle droit est inspiré notamment de cette "phrase": "Ici ne règne la géométrie/D’un univers apparemment déshumanisé".
On comprends dès lors la volonté de ce disque, dont l’illustration graphique reprend avec beaucoup de talent ce thème : Intra muros est un disque urbain, désenchanté et lucide et la musique est à l’image de cela : tout est calme, mais derrière cette nonchalante apparence se cache la fêlure de cette fameuse déshumanisation.
A côté de cela des morceaux comme "Shade Indigo", ou le remarquable "Walkin’ on the other sidewalk" sont des petits bijoux groove sous la férule de notre base rythmique et le son très rond du leader.
On l’aura déjà dit, Guillaume n’est pas partisan de l’esbroufe, c’est la simplicité qui commande, c’est aussi pour cela qu’il est une bonne entrée dans la musique improvisée européenne, avec un son particulier et accessible, très basé sur l’harmonie des souffles et des couleurs.
On ne peut que le conseiller, donc… |