"J'ai connu Max Castle dans un sous-sol étouffant de New York Ouest". La première (et presque dernière) phrase du roman annonce de suite la couleur de cet étonnant thriller de Théodore Roszak.
Les 800 pages qui suivront seront une véritable plongée dans le cinéma underground, le secret, la noirceur dans un mélange de romanesque et de faits réels pour une terrible relecture de l'histoire du cinéma. La base du roman est très simple et plaira à tous les cinéphiles : Jonathan Gates, étudiant en cinéma, découvre par hasard, dans une salle underground miteuse, les films de Max Castle, étrange réalisateur allemand de l'avant-guerre. Derrière d'affreuses séries Z, les films de Castle cachent quelque chose qui deviendra la raison de vivre de notre narrateur.
Passons outre le malheureux titre français digne d'un roman de gare pour revenir au titre original, "Flicker", le scintillement, ce passage de l'ombre à la lumière du projecteur, source de la trame de l'histoire parlant de la puissance de l'image (subliminale en l'occurrence) et de l'utilisation du cinéma depuis les premiers jours dans le cadre d'un grand complot secret.
"Flicker" n'est pas un thriller ordinaire, le suspens est constant mais retenu, mélangé à d'impressionnantes leçons de cinéma, d'incroyables rencontres entre le narrateur et des acteurs ou réalisateurs réels ou imaginaires. On rencontre par exemple Orson Welles (qui travailla, nous dit l'auteur, avec le fameux Max Castle) et on passe de films inventés à une pléthore de références cinématographiques bien réelles. Un véritable régal pour les cinéphiles de découvrir ce monde de l'intérieur, tout en essayant de comprendre ce que cachent réellement les images subliminales de Max Castle.
Tout au long du roman, Roszak maîtrise son lecteur, lui donne de fausses pistes, en dit parfois trop pour mieux l'étonner à la révélation suivante et laisse traîner d'épouvantables doutes sur la réalité ou la fiction. Plus l'histoire avance et plus la noirceur s'établit, projetant le narrateur dans un terrifiant complot au milieu de sociétés secrètes, des cathares et d'un détournement de l'usage de l'image.
On pense parfois à Murakami Ryu et le terrifiant pessimisme de ses "Bébés de la consigne automatique" ou encore à la noirceur et la violence de l'oeuvre de Palahniuk. Chez Roszak tout est retenu, masqué, mais la violence est bien là, aussi bien cachée entre les lignes qu'elle peut l'être dans les ombres des films de Max Castle.
15 ans après sa sortie, le livre est arrivé en France, certainement grâce à quelques idées reprises dans le "Da Vinci Code" et pour surfer sur l'idée de complot et de sociétés secrètes même si le roman de Roszak est bien au dessus de celui de Brown dans l'érudition et l'écriture.
Peut être qu'un jour ce roman inadaptable au cinéma sera-t-il mis en scène par Darren Aronofsky ("Requiem for a dream"), un des seuls réalisateurs actuels capable de prendre en main un projet terriblement compliqué tant l'image a une place importante dans le roman.
Réel ou imaginaire ? Ombre ou lumière ? Bien ou mal ? En attendant 2014, précipitez vous dans votre librairie favorite et découvrez ce chef d'oeuvre oublié pendant tant d'années.
"J'ai connu Max Castle dans un sous-sol étouffant de New York Ouest" |