Drame d'Henry de Montherlant, mise en scène de Jean-Luc Jeener avec Pascal Parsat, Maxime Raoust, Germain Lainard, Robert Marcy, Vincent Taburet et Christophe d'Amico.
Inspiré par un épisode de sa propre vie, un amour de jeunesse, resté à jamais présent dans son esprit, qui lui valut son renvoi du collège Sainte-Croix de Neuilly en 1912, Henry de Montherlant traite dans "La ville dont le prince est un enfant" de ce qu’on nomme pudiquement les amitiés particulières qu’il décline sous deux aspects : celui des amours d’adolescents, ici confinés dans l’internat d’un collège catholique, et celui de la pédérastie.
Mais Montherlant étend sa réflexion à l’amour exclusif, la jalousie et la rivalité amoureuse qui ne sont pas sexués ou du moins qui ne sont pas l’apanage de l’hétérosexualité.
Sevrais, un élève brillant se lie d'une amitié passionnée pour Souplier, un mauvais élève plus jeune, amitié qui s’inscrit également dans le rituel d'adoubement entre les plus âgés et les plus jeunes qui sévit dans les collèges.
Cette relation est très mal tolérée par l’abbé de Pradts qui manifeste un attachement ambigu pour Souplier et qui sous couvert de devoir de sa charge d’homme de foi et d’éducateur ("Dieu a créé des hommes plus sensibles que les pères, en vue d'enfants qui ne sont pas les leurs, et qui sont mal aimés.") nourrit un sentiment pédéraste.
Cette pièce toujours d’actualité (le pouvoir des adultes et des éducateurs sur les enfants, la pédérastie des religieux, l’homosexualité latente et endémique dans les lieux de confinement, le culte de l’adolescence, …) soutenue par une écriture magnifique et un art consommé de la litote, met en présence des personnalités fortes qui oscillent vers le tragique.
L’intensité des joutes entre l’abbé de Pradts et Sevrais, tous deux appartenant à la même famille d’hommes par leur force d'âme et leur capacité de renoncement, sont d’une force dramatique et d’une beauté sublimes servis par des comédiens remarquables.
Dans la mise en scène de Jean-Luc Jeener, d'une rigueur implacable et d'une réelle intelligence du texte et du cœur humain, la pièce est manifestement dominée et éclairée par l’interprétation magnifique de Pascal Parsat qui rend toute la complexité, l’ambiguité, le machiavélisme et la fragilité très humaines de l’abbé de Pradts face au très jeune et prometteur Guillaume Raoust.
A voir absolument !
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